
04 Nov 22 Fairy Tales In Yoghourt – ‘Shape Mistakes’
Album / Pale Figure / 04.11.2022
Folk electro
Avec Fairy Tales In Yoghourt, vous allez avoir droit à de petits incendies ou à de grands arcs-en-ciel, il suffira juste de savoir où poser le regard. Sous ce nom assez improbable se cache le nantais Benoit Guchet, dont un des faits d’armes les plus connus est de faire partie de l’aventure Bantam Lyons – parmi au moins dix autres projets avec lequel il s’est ‘distrait’ durant les douze années qui lui auront été nécessaires pour maturer son premier véritable album, Shape Mistakes. Douze années productives en démos DIY expérimentales et autres petites livraisons ponctuelles, comme pour procrastiner le moment fatidique où il faut se présenter au monde en bonne et due forme. Benoit Guchet a de son propre aveu la lune parmi ses consultants réguliers, et cela a visiblement un effet digne des grandes marées sur sa musique, entre titres electro-folk amples et habités – à base de boucles de guitare hypnotiques inspirées de certaines leçons de Steve Reich sur la répétition – et pièces acoustiques plus fragiles et intimistes.
Avec un tel programme ‘double’, il reste peut-être encore à Benoit à apprendre à négocier avec plus d’aisance les virages en épingle qu’il place lui-même sur sa route. Pour autant, il serait dommage de ne pas se laisser porter par l’originalité de sa proposition. Ce qui est étonnant, chez Fairy Tales In Yoghourt, c’est cette propension à rester simple et limpide, presque humble, tout en se permettant de tutoyer de grandes références sans jamais avoir l’air d’y toucher. Par exemple avec le bondissant titre d’ouverture Mania qui, tel un morceau de Deerhoof retranscrit en version musique de chambre, sautille sur un savant entrelac de boucles au son clair et de piano, avant qu’un mellotron vintage ne finisse par emmener toute l’équipée vers le soleil couchant. Rarement sonorités proches du DIY auront été aussi voyageuses. Le nocturne Lose This Disease renvoie lui à Neil Young faisant vibrer sa Old Black pour en faire sortir les volutes d’échos atmosphériques parsemant la B.O. de Dead Man. Bien plus enlevée, la montée crépusculaire de Shape Mistakes rappelle celles de Radiohead période In Rainbows, mais comme par accident, une ‘erreur de forme’ riche en potentialités et en niveaux de lecture. Ailleurs, sur les titres acoustiques, les suspensions à la Blake Mills, les modulations harmoniques à la Nick Drake, et les inflexions bossa à la Antônio Carlos Jobim jouent discrètement des coudes pour se frayer un passage. La voix douce et chatoyante de Benoit fait des ponts aériens entre toutes ces destinations, parfois malmenée par des turbulences bienvenues. Des turbulences comme le chœur éclatant de la chanson de scouts Campers, surgissant sans crier gare, ou encore l’interprétation vocale émouvante et éraillée sur les deux titres concluant l’album, Shocky Toppy et Find Them.
Dans ces moments de perturbations, Fairy Tales In Yoghourt semble sortir de sa réserve, et offre une facette moins ‘sous contrôle’ de son talent, peut-être soudainement possédé par le grain de folie d’autres grands lunaires de l’histoire de la musique, comme Robert Wyatt ou Syd Barrett. À moins que tout cela ne soit ici qu’une ‘erreur de forme’ de notre part. Le primitivisme de Shape Mistakes, entre abstraction conceptuelle et élans plus spontanés, autorise de toute manière ce genre de grand écart. Là où certains ne voient que des cratères sur la lune, d’autres y verront un visage. Question de regard.
A ECOUTER EN PRIORITE
Mania, Shape Mistakes, Lose This Disease, Find Them, Campers
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