FACS – ‘Wish Defense’

FACS – ‘Wish Defense’

Album / Trouble In Mind / 07.02.2025
Post punk noise

L’œil du panoptique n’est jamais aussi fébrile que quand il tourne au rythme lancinant du post-punk le plus poisseux et le plus sinistre. Inspiré par l’activiste Naomi Klein et son Doppelganger : A Trip into the Mirror World publié en 2023, FACS explore avec Wish Defense les effets délétères des usages numériques actuels, donnant naissance à une société schizophrénique perdue entre opinions et mensonges. Mais au-delà de cet alléchant programme thématique, ce nouvel album évoque une autre sorte de fébrilité, qui prend sa source dans les conditions particulières qui ont présidé à son enregistrement.

Le précédent opus des chicagoans, Still Life In Decay, avait en effet été considéré il y a deux ans comme l’aboutissement artistique d’une discographie déjà riche en ambiances claustrophobes et cauchemardesques – le moment où FACS tirait enfin les marrons de ce feu inquiet patiemment allumé quatre albums durant, dynamisant ses compositions sans jamais compromettre sa vision initiale. Le départ de la bassiste Alianna Kabala suite à cette apothéose noise rebat de fait les cartes pour le groupe. Comment passer à la prochaine étape sans la lourde et hypnotique contribution de Kabala, si logiquement mise en avant par le producteur Sanford Parker dans le précédent disque ? La solution de FACS est d’appeler à la rescousse un autre ex-Disappears, Jonathan VanHerik, qui avait déjà participé aux tout débuts de l’aventure. Autre coup dur, le décès soudain de Steve Albini alors que l’enregistrement de Wish Defense au studio Electrical Audio n’était pas totalement terminé. Sanford Parker, déjà familier des lieux, a ainsi suivi les notes laissées par Steve pour achever ce qui sera son dernier travail en tant qu’ingénieur du son. Un artisanat bruitiste et authentique, qui pourrait résumer l’esprit Albini comme des douzaines d’autres albums marqués par son sceau avant lui.

Avec un tel contexte, on pourrait presque en oublier la musique de FACS elle-même. Celle-ci semble ici effectuer un double-mouvement, revenant sur certains fondamentaux bruts de décoffrage allègrement dépassés par la facture fouillée, labyrinthique et expansive de Still Life In Decay d’une part, mais trouvant aussi de nouveaux moyens d’aérer ou d’alléger le propos selon l’humeur du moment. On en veut pour preuve le titre d’ouverture Talking Haunted, dont les lentes croches apaisées sur le refrain tranchent nettement avec l’atmosphère glauque à la The Cure période Faith du couplet. Les guitares très My Bloody Valentine de l’introduction d’Ordinary Voices suivent, avant que FACS ne s’adonne à son premier véritable coup de sang au cœur tourmenté de ce second titre. ‘Elegance, how will I find you?’ s’interroge Brian Case. De l’élégance, le morceau-titre qui succède à Ordinary Voices – à la fois nerveux, obsessionnel et quasi-dansant – en a pourtant à revendre. De fait, FACS sonnerait presque comme une version plus indolente et ambiguë du Preoccupations époque Vietcong sur cet extrait. Ou comment une nouvelle fois ajouter quelques textures inédites à un canevas qui reste bien droit dans l’axe de la visée de départ.

Après deux titres explorant avec moins de bonheur les contrées déjà traversées en début d’album, le potentiel à la fois abrasif et sophistiqué de la formule éclate au grand jour sur les entrelacs de guitare du doublé final Sometimes Only – You Future. Un subtil recalibrage qui, selon les oreilles, sonnera soit comme une proposition relativement plus accrocheuse et accessible ici faite par FACS, ou soit comme une subtile édulcoration de l’intensité de ses disques précédents. Personne ne pourra toutefois dire que les trois de Chicago se laissent abattre par le sort. Face au panoptique moderne, seule la résilience permet de trouver l’énergie nécessaire pour rêver à de meilleurs lendemains. Musique sombre et désespérée ne rime pas forcément avec résignation.

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A ECOUTER EN PRIORITE
Talking Haunted, Ordinary Voices, Wish Defense, Sometimes Only

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