Ezra Furman – ‘Twelve Nudes’

Album / Bella Union / 30.08.2019
Punk rock

Aussi furieux et déglingué qu’intelligent et mélodique, Ezra Furman signe avec Twelves Nudes un des disques les plus enthousiasmants de cette rentrée automnale. Le rockeur queer, habitué à brouiller les pistes d’un album à l’autre, ne change pas ses principes : après nous avoir enchanté l’année passée avec Transangelic Exodus (un opéra baroque, anxieux et désabusé), il revient avec une bombe de moins de trente minutes, chargée de onze fragments punk imparables, aussi efficaces dans leurs textes que dans leurs sonorités.

Les références balaient large les bases du rock américain, revendiquent aussi bien les Stones et les Pixies que les Ramones et le MC5, pour faire bouillir à nouveau l’esprit de ses révoltes originelles. Se retournant sur les trente premières années de sa vie, Ezra Furman dénonce l’accumulation des mensonges, la solitude (What Can You Do But Rock’n Roll), les égoïsmes (Transition From Nowhere To Nowhere), les injustices (Evening Prayer Aka Justice), et l’inutilité de l’histoire, assommée par une époque qui a permis l’avènement des démocraties les plus dirigistes. Du titre d’ouverture résolument punk (Calm Down Aka I Should Not Be Alone) dont le lancinant ‘woo woo’ rappelle le Sympathy For The Devil des Stones, jusqu’à la dernière note de What Can You Do But Rock n Roll, Twelve Nudes est un condensé des peurs et des absurdités du temps, un appel fiévreux à la résistance, un hymne pour rester soi au milieu des effondrements.

Ezra Furman ne tergiverse pas : en moins de 2’30 généralement, il assène de courtes anecdotes édifiantes qui, de prime abord, paraissent dictées par l’urgence. Pourtant, avec cette saturation vocale, ce soin apporté à des mélodies aussi brèves qu’addictives, ces ruptures syncopées (Rated R Crusaders), ces titres plus pop décalés ou ironiques judicieusement placés (Transition From Nowhere to Nowhere, In America, ou encore la valse baltringue de I Wanna Be Your Girlfriend), tout montre que l’enregistrement de Twelve Nudes a été particulièrement soigné, ce qui facilite le cheminement dans ce déluge colérique. On se laisse déstabiliser, voire fracasser, avec délice. Particulièrement homogène jusque dans le visuel de la pochette qui le classe immédiatement du côté du mouvement underground (Daniel Clowes, Charles Burns), ce nouvel album apporte la preuve, s’il en fallait encore une, qu’Ezra Furman n’est pas qu’un personnage singulier et foutraque dans le paysage rock actuel. Il est avant tout un de ses représentants les plus inspirés.