05 Mai 19 Ezra Collective – ‘You Can’t Steal My Joy’
Album / Enter The Jungle / 26.04.2019
Jazz fusion
Dire que le jazz britannique est en pleine explosion relève de l’euphémisme. Bien que l’excitation prédomine avant d’écouter le premier LP d’Ezra Collective, celle-ci se teinte d’une légère anxiété tant on craint le tarissement de cette source londonienne semblant inépuisable… Cette anxiété ne subsiste que le temps de quelques secondes, subtilement plaquée au sol par les premières notes de l’album. La source semble encore loin de s’assécher, et tant mieux pour nous.
Les débuts d’Ezra Collective remontent à 2012. Grâce au soutien d’une ONG et à une énergie communicative en live, le groupe se constitue une fanbase en manque de jazz alternatif. Les musiciens sortent un premier EP en 2017, Juan Pablo: The Philosopher, auquel succède cet LP, You Can’t Steal My Joy. Emmené par des cuivres afro-beat énervés, le groupe propose un blend d’influences variées faisant délibérément fi des conventions.
Le disque débute sur une reprise de Sun Ra (Space Is The Place) érigé une fois encore comme une source d’inspiration déterminante des jazzeux contemporains. Que ce soit The Comet is Coming ou le projet Supersonic de Thomas de Pourquery, le pianiste visionnaire, aussi poète et penseur, semble avoir marqué les jazzmen du 21ème siècle. Cette influence dépasse d’ailleurs le monde jazz puisqu’il a autant inspiré George Clinton que Flying Lotus. Comme le disait Sun Ra lui-même, ‘toute l’humanité est soumise à des contraintes et des interdits, mais eux sont dans la prison de Sun Ra, et c’est la meilleure du monde’. Pas étonnant qu’il ait fasciné le collectif londonien.
Au calme de cette entrée en matière succède le sax de James Mollisons et les rythmes déchaînés de Femi Koleoso qui décollent littéralement au milieu de Why You Mad?. S’il se colle l’étiquette jazz, le collectif pioche allègrement dans l’afro-beat gonflé à la dopamine (Shakara avec les fantastiques KOKOROKO), le hip-hop brumeux (What Am I to Do?), le ska-funk (la lentre progression de Red Whine), et la soul avec la voix langoureuse de Jorja Smith sur Reason in Disguise. C’est même avec un synthé classique que Joen Armo-Jones propose l’interlude Philosopher II, avant que la batterie polyrythmique nous emporte avec Sao Paulo vers le continent sud-américain. Difficile de s’ennuyer donc dans ce cocktail d’influences magnifié par une multitude d’intervenants.
On assiste ces dernières années à un changement, ou plutôt une (r-)évolution musicale. Le jazz, autrefois davantage l’apanage des classes intellectuelles bourgeoises, semble destiné à toucher un public nettement plus large, explosant au passage les carcans sociaux. Et on le doit en grande partie aux artistes londoniens décoiffants dont Ezra Collective vient gonfler les rangs.
A ECOUTER EN PRIORITE
Why You Mad?, Reason in Disguise, What Am I to Do?
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