Everything Is Recorded – ‘Temporary’

Album / XL Recordings / 28.02.2025
Downtempo / R&B contemporain

Initié par Richard Russell, producteur et fondateur de XL Recordings, le projet Everything Is Recorded est, depuis 2017, une vraie cour de récréation en même temps qu’une vitrine pour le prestigieux label londonien. Et pour le troisième disque de cette aventure, la douzaine d’artistes présents semble avoir mis les petits plats dans les grands. Quitte à nous laisser sur notre faim.

Que ce soit par l’espace accordé aux cuivres, par sa grande liberté formelle, sa direction axée sur la spontanéité tout en restant concentré sur une production léchée, l’aspect jam nous rappelle parfois ici l’ambiance du untitled unmastered de Kendrick Lamar, même si la comparaison s’arrêtera là. Plongeant au cœur des tendances RnB et néo-soul tout en y intégrant toujours des influences jazz, folk et électronique, privilégiant par dessus tout les voix et les instruments acoustiques, Temporary creuse le sillage d’une musique portée par une inspiration collective et incarnée. Que ce soit dans le gospel psychanalytique de My And Me, dans le folk crépusculaire de Porcupine Tattoo porté par Bill Callahan et Noah Cyrus, dans un Never Felt Better cérémonial (au point de se dire qu’il aurait parfaitement eu sa place dans le dernier Nick Cave), dans la ballade intimiste d’Ether ou bien dans le groove insidieux de Losing You, tous les ingrédients sont réunis, dans la première partie, pour faire de ce voyage un grand disque.

Oui mais voilà : le moins convaincant Firelight, qui annonce la seconde face, rejoindra sûrement aux oubliettes le passage à vide poursuivi avec le pénible The Summons, le dispensable Norm, la tentative ratée You Were Smiling (n’est pas Beth Gibbons qui veut) ou l’inconsistance régnant dans The Meadows puis Goodbye (Hell Of A Ride). Heureusement, No More Rehearsals parvient à tirer son épingle du jeu avec sa fibre chaleureuse et sincère, aidé par le souffle de la trompette de Yazz Ahmed, tout comme la planante et plutôt plaisante Swamp Dream #3. Au niveau des autres contributions salutaires, on notera la présence apaisante d’Alabaster DePlume, de Rickey & Kamasi Washington, de Jah Wobble, de Florence + The Machine ou encore des fidèles Sampha et Berwyn.

On retiendra donc plutôt la première face du disque, plus inspirante et inspirée, que l’autre moitié qui semble tomber dans ce que DJ Shadow, avec UNKLE, a toujours réussi à éviter jusqu’ici : une dispersion qui finit par nuire à la qualité de l’ensemble. Moins erratique toutefois que ses prédécesseurs, plus impactant et cohérent aussi, Temporary s’illustre comme la meilleure incarnation du projet à ce jour. Et tant pis pour ses défauts persistants.