
26 Oct 18 Etienne Jaumet – ‘Huit Regards Obliques’
Album / Versatile / 28.10.2018
Cosmic jazz
Etienne Jaumet, saxophoniste contemporain et musicien électronique multipliant les collaborations (notamment avec Cabaret Contemporain, James Holden, Emmanuelle Parrenin ainsi qu’au sein de son projet Zombie Zombie) est voué à s’inscrire parmi les grands du jazz actuels. Jaumet parlait il y a quelques années de sa surprise, alors qu’il accompagnait James Holden en tournée, de voir le public danser frénétiquement sur des morceaux à consonance jazz. Impossible de savoir si cette surprise a suscité chez lui un désir formel, mais on peut dire que Huits Regards Obliques, son troisième album solo après l’hypnotique Night Music en 2009 et La Visite en 2014, donne vraiment très envie de bouger.
Le ton est donné d’emblée. Le Shh/Peaceful de Miles Davis, magnifiquement repris, démarre sur un beat électro à vous envoyer à pleine vitesse sur les autoroutes allemandes du krautrock, le saxophone d’Etienne Jaumet bien attaché sur le siège passager, prêt à accompagner un trajet qui s’annonce électrique et fulgurant. Son instrument attaque et renforce, plane et se disloque ; une mélodie semi-improvisée surgit, dans la lignée du génie musical de Miles. C’est toutefois une version survoltée que nous sert ici le musicien. Une version club, house, rythmée à souhait. Le tout est mixé par I:Cube, compositeur français de house et techno, justement. On est en pleine fusion des genres.
Si on pourra parfois déplorer le penchant prononcé de Jaumet pour les beats robotiques (Theme de Yoyo) ou être surpris par des expérimentations vocales évoquant Kraftwerk sur une reprise de Sun Ra (Nuclear War), l’arme fatale de l’album réside dans ces drones entremêlés de basses, lames de fond qui ne laisseront pas indemnes les esprits les plus imperméables. Ce savoir-faire (déployé déjà sur Night Music) prend toute son ampleur sur Spiritual, morceau vaste et ambitieux, trouvant sa source dans le morceau de John Coltrane apparu en 1968 sur le Live at the Village Vanguard, le tout agrémenté de bourdons indiens non sans rappeler une autre Coltrane, Alice cette fois. Mais sur cette version, ces éléments ne sont qu’un point de départ. Car l’apparition progressive de la basse et de percussions de plus en plus intenses emporte le morceau dans un crescendo stratosphérique et addictif au carrefour des genres deep house, jazz et electro. Jaumet travaille ici de façon sanguine, à tambour battant au sein d’une matrice résolument cosmique.
Cet album de reprises se termine par sa seule composition originale : Ma révélation mystique. À nouveau, on est transporté. Et on se prend à rêver aux déambulations astrales au sein desquelles Jaumet nous emmènera la prochaine fois. Des déambulations originales on l’espère.
A ECOUTER EN PRIORITE
Shh Peaceful, Spiritual, Ma Révélation Mystique
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