31 Août 10 Eternia & Moss – « At Last »
Album
(Fat Beats)
29/06/2010
Hip hop
En 2010, il n’est toujours pas évident de se faire une place dans l’univers du hip hop lorsqu’on est une femme. Si certaines sont parvenues à s’imposer il y a longtemps – on pense notamment à Queen Latifah ou Foxy Brown, figures emblématiques des early 90’s – elles sont toujours aussi peu nombreuses aujourd’hui. D’ailleurs, seule Invincible avait réussi à faire l’unanimité avec son magnifique opus « Shapeshifters« . En s’inscrivant clairement dans cette lignée, Eternia semble prête à la rejoindre à force de volonté et de courage.
Si elle sort seulement aujourd’hui son premier opus « At Last », elle n’a pas attendu pour se tailler une solide réputation au Canada, en participant notamment à de nombreuses mix-tapes et freestyles sur les radios locales. Activiste acharnée, elle voit sa pugnacité enfin récompensée. Son flow énergique risque de faire pâlir quelques bonshommes qui paraîtront bien tendres face au talent rapologique de la miss, son style rageur, voire agressif, en renvoyant bon nombre dans les cordes. Avec MoSS à la production, concoctant des versions souvent épiques à base de punchlines d’une efficacité redoutable, Eternia s’est attachée les services d’un beatmaker en vogue, capable de fournir la matière susceptible de transformer ce premier essai en réussite. La puissance d’un « Any Man », de « Day In The Life » ou de « Catch Me » sont autant de preuves de sa détermination à jouer la carte d’un rap rentre dedans, qui laisse difficilement indifférent. Si néanmoins certains titres sont plus légers (« Pass That », « The Half »), on reste très souvent dans ce même registre (« It’s Funny » feat Joell Ortiz, « At Last » feat Reef The Lost Cauze), articulé autour de basses généreuses et de samples savamment orchestrés. On pense d’ailleurs souvent à Blue Sky Black Death dans la façon de travailler les cordes, pour un résultat certes différent mais très (trop?) proche.
Au final, c’est quand même le talent d’Eternia qui fait la différence, racontant avec sincérité ses années de galère, son enfance difficile et le véritable parcours du combattant qu’elle a dû affronter pour en arriver là. L’ensemble est peut-être trop homogène encore, on ressort quelque peu lessivés d’une écoute assidue, fatigués de prendre uppercut sur uppercut. Mais on ne lui reprochera pas ce parti-pris, d’autant que son flow rageur s’accorderait sans doute moins bien à trop de subtilités. « At Last » est l’album d’une écorchée vive, à qui il reste beaucoup de choses à dire.
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