15 Nov 19 Emily Jane White – ‘Immanent Fire’
Album / Talitres / 15.11.2019
Folk
Voilà plus de dix ans qu’Emily Jane White a sorti son premier album Dark Undercoat, et autant d’années que sa voix sublime nous ensorcelle. Une voix digne et profonde qui avance lentement, avec grâce, n’hésitant pas à marquer des silences, tirant avantage d’un minimalisme musical, d’une gravité raisonnante dont chaque élément est essentiel. Elle était arrivée sur le devant de la scène à la faveur d’un renouveau folk, en même temps que d’autres artistes ayant chacune leur personnalité. Si on imaginait aisément Alela Diane au pied d’un mobil-home dans le poussiéreux arrière-pays californien, Emily Jane White – elle – était dans une chambre victorienne, au mur blanc et au haut plafond, avec une fenêtre donnant sur l’océan Atlantique, comme coupée de ce monde vil et vulgaire. C’était se méprendre puisque certains de ses titres démontrent un engagement social, notamment sur They Moved in Shadow All Togheter où il était question de violence raciale, ainsi qu’envers les femmes. Immanent Fire, son sixième disque paru chez Talitres en France, évoque l’activité destructrice de l’activité humaine envers son propre environnement. La beauté du folk contre le bruit des tronçonneuses.
Un thème d’actualité donc qu’aborde le premier extrait Washed Away, regrettant que l’homme ait tourné le dos à la nature comme source d’inspiration et de beauté. Elle s’y jette à corps perdu, et part en guerre au son d’une caisse claire sur Drowned qui aurait pu figurer sur la bande originale de Barry Lindon. Et puis, elle rentre dans le royaume de la nuit, lanterne à la main comme le suggère la pochette. La nuit dans la nature, les bruits de l’activité humaine cessent pour laisser place à un silence rare, à peine troublé par des chants d’oiseaux, le tonnerre lointain, comme on peut l’entendre en tendant bien l’oreille au fil du disque. Elle s’enfonce dans l’obscurité avec la grâce qu’on lui connait, flirtant avec l’univers gothique.
Le cérémonieux Infernal est accompagné de lourds battements synthétiques contrebalancés de violons graves avant que d’autres, légers, ne s’envolent. Qu’on ne s’y trompe pas, on y parle de feux, de cendres, et c’est un craquement d’arbre qui clôt le titre. Pour autant, pas de colère ni d’agressivité, mais une quiétude et une sérénité plus forte que tout accompagne Emily Jane White, même si la conscience de l’urgence est réelle. C’est bien ce que l’on ressent à travers un morceau comme Metamorphosis. Light fait renaitre l’espoir, comme une végétation luxuriante qui pousserait sur des ruines. The Gates at the End clôt l’album, toujours avec cette puissante douceur, la certitude que la nature, les montagnes, les océans survivront à l’autodestruction humaine. Un peu comme l’intemporalité de son œuvre face à deux minutes de hardcore.
Immanent Fire a été enregistré à Emeryville en Californie, co-produit par Anton Patzner. Après dix ans d’activité, Emily Jane White repousse les limites de la beauté, si elle en a. C’est un mot qu’on emploie souvent en parlant de ses disques, mais autant l’utiliser à bon escient. Ici, elle change de dimension, semble ne faire qu’un avec sa musique, un peu comme PJ Harvey avec White Chalk, complètement détachée du superficiel et pourtant si présente. C’est une élévation au rang de déesse ou de sainte !
A ECOUTER EN PRIORITE
Infernal, Metamorphosis, Washed Away
No Comments