
22 Mar 24 Dynamite Shakers – ‘Don’t Be Boring’
Album / Les Disques En Chantier / 22.03.2024
Garage rock
Les Dynamite Shakers, avec la fraîcheur de leur jeunesse et l’éclat de leur bon goût, délivrent depuis quelque temps déjà des singles bien énervés, s’ancrant avec bonheur dans des genres musicaux éloignés du mainstream – en gros, garage et rythm’n’blues – en témoignant par là même d’une connaissance impeccablement sélective de l’histoire du rock. Les vendéens ont des références qui poussent à leur attribuer d’emblée un coefficient de sympathie très élevé : Jeffrey Lee Pierce et le Gun Club, les Fleshtones, Doctor Feelgood. Et sur ces bases bien comprises, ils produisent une musique constamment tendue, décochant méthodiquement et avec une ahurissante précision coups de boutoir rythmiques et riffs incendiaires. Compacte, leur musique contient l’électricité avec une maîtrise qui force le respect, ce qui leur permet, au bon moment, de la laisser s’échapper de façon jubilatoire mais toujours de façon intentionnelle, en sachant exactement le type d’effets qu’elle produira.
Après une série de singles consacrés à des reprises (Troggs, Flamin’Groovies, Sonics, Dogs, Wailers), en 2021, Lila-Rose Attard (basse), Elouan Davy (guitare/chant), Calvin Tullet (guitares/chant) et François Rocheteau (Batterie) s’émancipent très vite de la tutelle de leurs aînés pour publier la même année un premier EP composé de morceaux originaux. Finalement, après s’être taillé une réputation scénique flatteuse et avoir affermi son son, le groupe publie son premier album, Don’t Be Boring, bluffant de maîtrise autant que de capacité à produire des tubes à la pelle. De Blow My Mind, en ouverture, à The Bell Behind The Door, en clôture, on est royalement servi en matière de brûlots garage rock, aussi stylés que diaboliquement efficaces.
La pochette est déjà, en soi, tout un programme. Le nom du groupe apparaît en petit dans le coin inférieur gauche, ce qui a pour effet de mettre en valeur le titre, disposé avec plus d’ostentation dans l’angle supérieur droit, en l’imposant comme une véritable déclaration d’intention, définissant tout autant le groupe que ce que le rock a toujours prétendu vouloir : DON’T BE BORING ! Et puis il y a les quatre jeunes gens affalés sur un canapé, encerclant un carrelage en damier noir et blanc connectant inconsciemment ou consciemment à l’esthétique 2Tone. Enfin, on remarque trois fenêtres à l’arrière-plan, celle de gauche et celle de droite recouvertes par des rideaux, accentuant l’effet d’ouverture de la vitre dégagée au centre, comme pour mieux symboliser le présent, le moment de l’action, encerclé par ces temps qui, soit ne nous appartiennent plus, soit ne nous appartiennent pas encore. Toute cette mise en scène insiste ainsi sur l’actualité des Dynamite Shakers, capables de saisir l’esprit de modèles passés mais pour mieux l’obliger à se confronter à la matière sonore d’influences récentes.
Et tout au long de ce premier album, s’il est évident que l’on écoute un groupe qui a été abreuvé au garage rock, il n’en reste pas moins que surgissent, ça et là, des traitements plus contemporains du genre : What’s Goin’ On martèle une rythmique proche des Hives, Split Brain ou The Bell Behind The Door envoient des riffs aussi secs et précis que ceux des Strokes, tandis que The French Top Ten évoque les White Stripes. Ce n’est pas un Juke Box, mais un subtil syncrétisme, qui permet aux Dynamite Shakers d’absorber et de mélanger leurs références afin d’élaborer un style propre, explosif mais pourtant ultra-carré.
Don’t Be Boring est à écouter fort pour bien mesurer et sentir comme il se doit ses claques rythmiques et les gifles de ses guitares, délivrées avec une assurance et une rigueur stupéfiantes, simplement tempérées par une voix dont la contenance accompagne sur le fil du rasoir la ligne mélodique des morceaux. Si Elvis, tel un chien fou, faisait jaillir de façon impétueuse, en 1954, toute l’énergie accumulée par la frustration du désir adolescent, les Dynamite Shakers, 70 ans plus tard exactement, contrôlent l’expression de cette énergie à la manière d’un boxeur, agile et aux aguets, libérant ses coups au moment opportun. Avec de telles aptitudes, comment ne pas régner sur le ring ?
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