04 Avr 19 Don Nino – ‘Rhapsody for the Dead Butterflies’
Album / Prohibited / 29.03.2019
Pop psyché
En cette fin d’hiver ou début de printemps 2019 on ne sait plus trop, Nicolas Laureau opère sa mue, endossant pour la sixième fois le pelage de Don Nino. Le talentueux musicien nous convie avec Rhapsody for the Dead Butterflies à un voyage psyché-pop nourri par ses réflexions au sujet de l’Anthropocène, période dans laquelle nous nous trouvons depuis quelques décennies, et qui risque bien de résumer l’humanité à une strate géologique à l’épaisseur bien ridicule.
Après près de 20 ans de carrière solo et une multitude de projets annexes, dont la fondation du label Prohibited Records, la créativité musicale débordante de Don Nino suinte lumineusement au travers de ces 10 titres passionnants, guidés par une voix stellaire, des percussions métalliques, une basse métronomique et des synthés hypnotisants. Ce projet, à l’instar des précédents, relève presque du concept-album.
À l’origine, l’artiste désire s’exiler en pleine nature. Un processus créatif dangereux, bien qu’en campagne normande il y ait moins de risques qu’au fin fond de l’Alaska. Certains s’y sont définitivement perdus, d’autres au contraire en sont ressortis transformés. On est dans le second cas. Don Nino, tel un orfèvre, a méticuleusement pensé et arrangé ses compositions pour nous livrer un tout cohérent. Il est vain d’épingler un morceau tant c’est dans son ensemble que ce joyau rayonne. Autour de la guitare omniprésente, il tisse des lignes de basse cristallines (Rhapsody ou Shining Horse), desquelles percole une force tellurique implacable (Pointing Out), pendant que la batterie poursuit sa quête telle un inéluctable métronome. La reformation de Prohibition, ainsi que les choix de ligne directrice et de textures semblent avoir bénéficiés d’une réflexion poussée et élargissent la palette musicale, bien que celle-ci évoque davantage le monochrome que le polychromatique faisant écho aux temps actuels bien sombres, exception faite de l’apaisant In The Canopy.
Les influences sont nombreuses. Si l’entame n’est pas sans évoquer Aquaserge, on se demande parfois si le pourvoyeur de bijoux psyché qu’est J Fernandez, ne s’est pas téléporté de sa chambre de Chicago vers la campagne française pour participer à quelques titres. Des références plus classiques telles que Syd Barrett (Another Sleepless Night) ou The Cure ne sont pas loin, mais les influences dépassent largement le cadre musical, puisque les écrits du philosophe naturaliste américain Henry David Thoreau, la lecture d’un manuel divinatoire chinois (No Ying No Jing) ou la rédaction d’un journal intime, prirent également une place prépondérante dans la conception de cet album.
Le cadre créatif ainsi que la thématique sont prégnants tant les réflexions sur l’Anthropocène, parfois aussi appelé poubellien par certains scientifiques, imprègnent ce disque. Toutefois loin de nous livrer un album sombre, Don Nino pose un constat personnel, nous livre ses inquiétudes. La voix, sans être grave, n’en demeure pas moins inquiétante, encore davantage lorsqu’elle se retrouve nappée par ces lignes de basses cinglantes (Through the Delta), ou qu’elle s’éparpille en tremolos aigus (Shining Horse).
Le titre de clôture, The Guys From the Company, témoigne plus que tout autre de ces ambiances musicales fortes et foisonnantes. Superbement enlevé par une flûte et des cuivres, on ne peut que regretter la relative brièveté d’un titre qui ne demande qu’à s’envoler davantage… Et on est impatients d’assister à la métamorphose de ces dix compositions au cours de la future tournée solo.
A ECOUTER EN PRIORITE
Oh Small World, No Ying No Jing, The Guys From the Company
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