05 Avr 20 Dogleg – ‘Melee’
Album / Triple Crown / 13.03.2020
Post hardcore emo
Ils diffusent des fights d’animes japonais en fond de scène, le guitariste-chanteur fait des roues au milieu des morceaux (la guitare toujours sur lui !), et le bassiste défie les fans à d’obscurs jeux de rétrogaming au stand de merch après les concerts (l’enjeu est de gagner un lot du stand, et la légende veut que personne n’ait encore jamais réussi à le battre). Voici Dogleg, dernière sensation emo/post-hardcore US dont le premier album, Melee, va immanquablement le faire connaître bien au-delà de la scène locale de Detroit/Ann Arbor. A première écoute, rien de foncièrement original, si ce n’est que l’on est d’emblée conquis par la voix de l’écorché vif Alex Stoitsiadis, bien loin des productions aseptisées qui ont pu parfois transformer l’emocore en variétés rock fades et insipides. Melee est à la croisée des premiers At The Drive In, Small Brown Bike et Embrace. Vous pouvez de fait aisément remplacer un de ces groupes par une référence plus récente issue de votre panthéon personnel dans le genre… en ajoutant peut-être un soupçon de Get Up Kids pour la fraicheur et la fougue pop.
Quasiment entièrement autoproduit (on pardonnera du coup la batterie un peu trop reverbée et rigide parfois), le premier album de Dogleg témoigne d’une vision parfaitement cohérente de ce qu’un album ‘émo’ dans le sens premier du genre doit être en 2020. Dès les premières secondes, Kawasaki Backflip donne ainsi une bonne idée de là où on se dirige, mais attention à ne pas rester non plus sur cette première impression. La spécialité du quatuor est d’ailleurs souvent de garder le meilleur pour la fin, que ce soit au niveau des chansons ou d’un album tout entier. Riffs mid-tempo imparables, à la fois mélodiques et retors, refrains étranglés et poignants, ruptures et relances surprenantes, tout est bien résumé dans l’autre pièce majeure Fox, qui donne violemment envie de se remettre au stage-diving une fois que le monde nous permettra à nouveau de partager nos glaires et nos gouttes de sueurs en public.
Si les titres qui suivent semblent un chouïa moins inspirés niveau lignes de chant (le reste fait le job), le dernier tiers du disque est absolument magistral. Wartotle joue la carte de la confession intimiste sans oublier qu’elle puisse faire headbanger, et le riff harmonique au milieu de Wrist est un des plus imparables entendu ces dernières années. Mais surtout, Dogleg conclut son premier album avec deux monuments de rage désespérés se terminant par des chœurs plus proches du Funeral d’Arcade Fire que des habituels hymnes de stade de foot. Il s’agit là du ternaire Cannonball, et des six incroyables minutes d’Ender, où Stiotsiadis rappelle que la chute, c’est surtout long vers la fin (‘It’s a long way down to the bottom of the edge‘). On est là assez loin du premier titre : sur un des multiples ponts de ce tour de force, on croirait même entendre Efrim Menuck dans A Silver Mount Zion. Et lorsque pendant quelques secondes, à la toute fin de Melee, un ensemble de cordes délicates reprend l’harmonie tragique du chœur final, on finit par comprendre le secret qui fait sortir Dogleg du tout venant emo, enfin révélé à nous. Contrairement à bien d’autres de leurs congénères post-hardcore actuels, ces jeunes gens-là sont de véritables romantiques. Sublimes, sales et hypersensibles.
A ECOUTER EN PRIORITE
Fox, Kawasaki Backflip, Wartotle, Wrist, Cannonball, Ender
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