Disq – ‘Collector’

Disq – ‘Collector’

Album / Saddle Creek / 06.03.2020
Indie rock

The Daily Routine nous avait déjà sérieusement mis la puce à l’oreille. Avec ce premier extrait d’un Collector appelé à bien porter son nom dans les années à venir (comme un clin d’œil au Masterpiece de Big Thief, autre debut album notable sorti chez Saddle Creek), cette bande de nerds venus de Madison, Wisconsin se plaçait tranquille au niveau de Weezer et de son mythique Undone – The Sweater Song. Et ce, sans jamais avoir l’air de se forcer. Même nonchalance désabusée dans le propos et même puissance d’exécution. Même alternance d’arpèges rouillés et de power-chords ravageurs. Même son massif contrecarré par une foule d’arrangements foutraques. Tout portait ainsi à croire que Disq avait été désigné par les dieux de l’indie-rock pour reprendre le flambeau là où ces mêmes Weezer l’avaient laissé après ses deux albums légendaires (comment ça il y a une suite après Pinkerton ? Sérieusement ?). Et comme le rock’n roll, c’est aussi une histoire d’image : on avait même eu droit à un petit clip fun et parodique où l’on s’était immédiatement attaché au charisme débraillé de la clique menée par Isaac deBroux-Slone, digne de l’équipe de Scooby-Doo (mention spéciale pour la dégaine boudeuse de la bassiste Raina Bock, qui lorgnerait elle plus du côté de chez Daria…).

Mais l’affaire est en fait un peu plus compliquée, et surtout, un poil plus déconcertante qu’un énième recylage nostalgique des nineties façonné par le nouveau buzz band du moment. Certes, l’ombre de Rivers Cuomo plane sur un bon tiers des titres, de Konichiwa Internet à Gentle, l’un écrit par Bock, l’autre par Logan Severson, l’un des trois guitaristes du groupe. Car oui, les petits camarades de deBroux-Slone mettent parfois la main à la pâte en ce qui concerne le songwriting, et comme lui, ils n’ont pas l’air d’être des manches. Mais au-delà de Weezer, Pavement et compagnie, on retrouve tout aussi bien dans Collector les Stones (le pont très Gimme Shelter du premier single), un tube folk-pop enlevé à la Blur période 13 (Loneliness), de l’electro-country instrumental bizzaroïde (Fun Song 4), ou même du stoner lent à la… Black Sabbath ! En atteste l’incroyable riff doublé à la tierce – puis à la quinte – de I Wanna Die, digne de figurer sur un reboot de Guitar Hero. Tout cela sans parler des Buzzcocks (I’m Really Trying, signé Shannon Connor), ou même de références d’un style beaucoup plus intimiste (Trash qui n’est pas sans rappeler le Julia de John Lennon à l’époque de l’album blanc).

Alors c’est sûr, au bout d’un moment, on a plus l’impression d’avoir affaire à une mixtape qu’à un véritable album, le genre de celle que votre meilleur pote vous offrait jadis pour accompagner tous les moments importants de votre vie, et dont on finit par user la bande à force de la passer en boucle dans le radio-cassette de votre vieille chambre d’ado perdue au milieu des suburbs. Certains iront peut-être se plaindre de ce manque de cohérence, ainsi que de voix un peu fragiles parfois. Il n’en reste pas moins que l’entreprise dégage un charme tout à fait personnel, peut-être même grâce aux défauts précédemment cités. Irrévérencieux mais sincère, à la fois érudit et spontané, Collector étonne et intrigue, jamais là où on l’attend et néanmoins toujours (im)pertinent. La production précise et dynamique de Rob Schnapf (Beck, Elliot Smith, The Vines…) aide certes beaucoup à maintenir le cap. Mais surtout, ce premier ‘Disq’ a le mérite de vouloir nous raconter une histoire intemporelle, celle de jeunes gens du Midwest qui trouvent dans le rock’n’roll et son histoire la réponse à certaines de leurs questions existentielles (comme dans cette ode naïve et ironique dédiée au micro préféré de deBroux-Slone, D19). Et s’il a un œil tourné vers le rétroviseur, il n’en n’oublie que très rarement l’essentiel : savoir d’abord réenchanter le présent.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
The Daily Routine, Konichiwa Internet, Loneliness, Gentle, I Wanna Die


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