Dirty Projectors – ‘5EPs’

Dirty Projectors – ‘5EPs’

Album / Domino / 20.11.2020
Puzzle

Dirty Projectors arrive au terme de son projet d’année dont on pourrait ainsi résumer l’esprit : prouver que des individualités fortes peuvent rayonner au sein du groupe lui-même fédérateur, ou ‘comment allier épanouissement personnel et projet de société’. Ce qui pourrait faire d’eux, quand on y pense, les gourous de notre temps où l’abrutissement de chacun est le maître mot, et toute société, une notion faite de ruines à recomposer. On n’ira pas jusque là : 5EPs n’est ni vraiment politique ni thérapeutique, mais retrouver Dirty Projectors tout au long de 2020 nous a permis de tenir un fil d’Ariane à priori léger et enthousiaste, mais plus ambitieux qu’il n’y paraît.

5EPs peut se résumer ainsi : donner à chaque membre du quintet (le batteur Mike Johnson ne participe pas à l’expérience) la possibilité d’écrire et interpréter son propre EP, puis réunir les quatre produits obtenus dans un album final auquel viendrait s’adjoindre un cinquième EP impliquant tous les membres du groupe. Au folk écologiste lâché au printemps par Maia Friedman dans Windows Open, a d’abord succédé l’électro-funk de Felicia Douglass sur Flight Tower, avant que l’été, le déconfinement, le réveil brutal et enfiévré de l’actualité musicale nous fassent perdre de vue, avouons-le, les échéances suivantes.

Longstreth publie à son tour un hommage bossa minimaliste à Joao Gilberto,  Super João, et Kristin Slipp livre Earth Crisis, chapitre le plus convaincant, fait de samples d’anciens enregistrements orchestraux de Longstreth (on pense à Pierre et Le Loup) sur lesquels  la voix de la pianiste évoque tout autant Kate Bush que la reine des neiges (ce dernier cliché renforcé par l’adjonction d’un film d’animation écolo-arctique et shamanique). Et si Ring Road, dernière partie de cette symphonie, n’est pas la création à proprement parler de Mike Johnson, la présence de la batterie réveille et fédère la matière pop de l’ensemble, rappelant le goût immodéré du groupe pour les arythmies qui invitent à la danse.

Sous leurs faux airs de mignardises sucrées et pastelles, les cinq parties de 5EPs ont réussi à nous faire traverser la lourdeur de ces derniers mois. Dans ce projet singulier, Dirty Projectors permet aussi à chacun de ses membres de prendre voix et corps, de laisser s’épanouir ses influences, et la chose est tellement rare – les groupes sont souvent étouffés par le charisme ou la virtuosité d’un leader – que ce seul fait mérite d’être souligné. Et s’il n’y a pas de manifeste politique à chercher dans cette petite démocratie musicale, le constat des différentes prises de parole reflète le monde tel qu’il est, avec pessimisme : la planète s’épuise et nos peurs nous referment sur nous-même. Reste le mode choisi pour en disserter : cinq parties inspirées pétries de douceur, d’espoir et d’empathie.

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A ECOUTER EN PRIORITE
Eyes On The Road, There I Said It, Bird’s Eye, Now I Know, No Studying, My Possession


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