
04 Oct 19 DIIV – ‘Deceiver’
Album / Captured Tracks / 04.10.2019
Heavy shoegaze
Achéron, fils de Gaïa et d’Hélios, est l’un des fleuves des Enfers, bien connu de la mythologie grecque. Agité, tortueux, les âmes des défunts doivent le franchir pour éviter l’errance éternelle. Les limbes qui guettent, un chemin de croix qu’a vécu Zachary Cole Smith après la sortie de Is the Is Are en 2016, formidable deuxième album de DIIV. Aux prises avec ses batailles personnelles, il offre ici à Deceiver une trouble inédit, marqué du sceau de la mise à épreuve.
Un son plus noir et plus épais nourrit la toile de ce tableau, patte incontestable de Sonny Diperri (My Bloody Valentine). C’est le début d’une résonance fond et forme superbement amenée, l’émoi se noie dans une étreinte musicale d’une saisissante vérité, rebelle mais fragile. Taker, par exemple, conjugue ses guitares pour obtenir d’une ligne claire qu’elle sublime, l’air de rien, le brouillard heavy de l’arrière-plan. La subtilité qui fait toute la différence, le chant hypersensible et la guitare surexposée, délicate, c’est toute la sève de DIIV, et c’est pourquoi Deceiver fait monter le groupe d’un niveau encore.
Les paysages nineties parsèment le disque, explorant, le regard dur, la psyché d’un groupe qui a clairement eu plus d’un combat ces derniers mois. Les yeux ne fixent plus que les chaussures. Le direct Horsehead relève la tête et enflamme le cœur, les détours adolescents de Skin Game déterrent des sentiments pourtant bien enfouis, et For The Guilty ne s’excuse en rien, ouvrant des brèches devant le mur électrique des trois cordes. Les ébranlements affectifs de la vie resurgissent avec une justesse qu’on ne croyait plus entendre une fois raisonné et tu le brassage émotif de l’adolescence.
Archeron, descendu des terres infernales, clôt Deceiver avec une émotion incroyable, parachevant toute la dimension tragique du disque. Il démultiplie toutes ces sensations durant sept minutes, portant les stigmates d’une douleur serrée, tenue mais transformée en une plainte de toute beauté. Le chant est d’une mélodie renversante, les cordes tiennent le tout et expient par-dessus les larsens un monstre de tourments. Apprivoisé plutôt que supprimé. Le pouvoir de la musique reprend ses droits.
A ECOUTER EN PRIORITE
Skin Game, Lorelei, Acheron
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