Dehd – ‘Flower of Devotion’

Dehd – ‘Flower of Devotion’

Album / Fire Talk / 17.07.2020
Indie rock – garage pop

On était un peu passé à côté de Dehd l’année dernière. Heureusement, les pendules ont été remises à l’heure grâce au visionnage des clips gentiment décadents issus de Water et leur goût pour les cabarets transformistes perdus entre deux caravanes au milieu du désert. Dans ces vidéos s’y révélait toute l’utopie cramée des chicagoans, quelque part entre John Waters, Russ Meyer et John Cameron Mitchell. Le coup de cœur ne fut pas que visuel, toutefois, et les cinéastes susnommés pourraient être remplacés par des références aux B-52’s ou the Jesus And Mary Chain, ainsi qu’à une flopée de groupes surf et garage sixties plus confidentiels, et on rendrait tout aussi bien justice à l’univers du trio.

Formation minimaliste portée par les voix souvent entremêlées de l’ex-couple Jason Balla / Emily Kempf – frêle, authentique et sincère pour monsieur ; forte, toute en trémolos, expressive et excentrique pour madame – Dehd en fait beaucoup avec peu, à l’image du set de batterie du troisième larron Eric McGrady, qui ferait passer celui de Bodega pour du matos tombé d’un camion de Megadeath lors d’une tournée internationale (un simple tom basse, une caisse claire, et McGrady assure le show comme un chef). Pour le reste : son un peu crado, basse sourde, guitare crunch ou même claire, et parties vocales reverbées à mort. Les grands espaces version Rocky Horror Picture Show. En 30 minutes de Water, tout était dit, et il faut reconnaître que c’était aussi simple que bon.

Un an plus tard, Dehd est visiblement à la recherche de pistes alternatives à cette esthétique lo-fi qui fonctionnait pourtant si bien. D’entrée de jeu, sur les premières notes de Desire, un effet chorus très eighties résonne autour des cordes de Balla. On pourra certes rétorquer que le son importe peu ici. Le lent crescendo de Desire et son final extatique où les amants se déchirent aimablement (‘You are my dream‘ déclame-t-il, ‘Let me out‘ répond-elle) comptent parmi les meilleurs moments jamais écrits par le duo, et méritent à eux seuls le détour. De fait, tant que les compos suivent, le son assez clean (incluant une batterie trigguée ou des programmations très discrètes) reste une option intéressante pour venir soutenir certaines pièces maîtresses de Flower of Devotion, dont le groovy Loner – à la fois suite logique de Lucky et son antithèse au niveau des paroles – ou encore l’entraînant et néanmoins ambigu Letter, planant comme une plume en suspension au beau milieu d’une phrase.

Malheureusement, sur pas mal d’autres titres, particulièrement les plus rock, Dehd ne retrouve que par intermittence cette étincelle toute particulière qui faisait exploser les compteurs sur Water. L’option plus ‘hi-fi’ n’est pas seulement à mettre en cause ici : il manque peut-être également dans la tracklist quelques refrains de la trempe de ceux de Lucky, On My Side, Happy Again ou Water. Reste heureusement une poignée de balades envoûtantes marquée par une certaine tentation shoegaze, avec en tête Month et ses arpèges en coton, et surtout Flood, dont la grâce fébrile dégagée par la performance de Kempf rappelle parfois la reprise de Song To The Siren par This Mortal Coil. Et il y a enfin le final Flying, coda parfaite à Desire et autre déchirante chanson de rupture : ‘If this is all that we get / So be it, so be it / It was worth it to know you exist’. Espérons pour l’avenir que Balla et Kempf n’en finissent pas de se séparer de cette manière si étrange et empathique. Ce sera peut-être douloureux pour eux. Mais ce sera si beau pour nous.

VIDEO
ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Desire, Loner, Month, Flood, Letter, Flying


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