
09 Nov 21 Deerhoof – ‘Actually, You Can’
Album / Joyful Noise / 22.10.2021
Indie rock
Foutre des tympans en ébullition avec de la musique avant-gardiste tout en proposant en même temps des mélodies sublimes n’est pas à la portée du premier rigolo venu. Surtout après une quinzaine d’albums sous la ceinture et une vingtaine d’années d’existence. C’est pourtant l’apanage des monstres sacrés du rock indé et noise que sont Deerhoof. Avec Actually, You Can, le groupe américain lève cependant le pied sur l’aspect expérimental. Partant de démos enregistrés séparément par chacun des membres, réenregistrées de manière plus organique ensuite, le quatuor a privilégié cette fois-ci un rendu direct et efficace. La chanteuse Satomi Matsuzaki avait prévenu : ‘I want to be able to play these songs‘. 30 minutes et 9 titres plus tard, nous n’avons qu’une hâte : c’est de justement les entendre en live.
Dès l’amorce de Be Unbarred, O Ye Gates of Hell, c’est le Deerhoof exultant et groovy qui nous saute à la gorge en un claquement de riff. Comme toujours, Greg Saunier prouve en un millième de seconde qu’il reste un des meilleurs gugusses sur Terre derrière une batterie, aussi rudimentaire soit-elle. Le fait qu’il soit encore autant créatif dans son jeu et ses compositions est un testament définitif à son génie. Les guitaristes John Dietrich et Ed Rodriguez sont forcément au diapason également, et brillent tout au long du LP. On peut allègrement passer d’un duel rappelant un Television sous speed sur Plant Thief à une ambiance Mariachi déglinguée sur Scarcity Is Manufactured.
Deerhoof prend un panard immense à jammer sur les morceaux les plus simples et percutants (mais certainement pas simplistes) de leur discographie depuis des années. Sa joie communicative culmine dans le final dantesque de Divine Comedy, véritable preuve d’un sentiment d’urgence rock’n’roll. Ce sentiment est d’ailleurs d’ordre politique. Ce n’est pas un secret : la célébration libertaire a toujours fait partie de l’ADN du groupe, au même titre que la tambouille DIY. Actually, You Can a comme fonction primaire de ‘donner un choc vital à l’emprise purgatoire du capitalisme’. Quand de surcroit, c’est la voix unique de Satomi Matsuzaki qui fait passer le message à travers des paroles aussi perchées que poétiques, c’est branle-bas de combat et drapeau noir flottant au vent.
Deerhoof reste si inclassable qu’on rentre dans le domaine du mysticisme. Même en mettant de côté pour un temps l’expérimental aventureux, le groupe ne peut s’empêcher d’amener son lot de twists et de dingueries en tout genre. Soyons sérieux : la grande famille du rock indé n’en est que mieux lotie depuis que ce collectif a amené sa science.
A ECOUTER EN PRIORITE
Be Unbarred, O Ye Gates of Hell, Department of Corrections, Scarcity Is Manufactured, Divine Comedy
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