Deeper – ‘Auto-Pain’

Deeper – ‘Auto-Pain’

Album / Firetalk / 27.03.2020
Post punk

Écrit et enregistré alors que leur second guitariste quittait le navire, Auto-Pain était censé marquer un renouveau bienvenu pour Deeper, dont le premier album éponyme, riche en tiroirs mélodiques de haut vol, manquait toutefois d’intentions claires selon le propre aveu du chanteur-guitariste Nic Gohl. Cette fois-ci, les Chicagoans prendraient le temps d’assembler leurs meilleures idées de manière beaucoup plus organique, et à l’écoute de cet album riche et bondissant de part en part, on peut d’ores et déjà dire que le pari est réussi.

Pour preuve, le premier single This Heat qui, en trois minutes et vingt secondes, prend le temps de ricocher d’un couplet volontairement déstructuré (ce kick aléatoire à la batterie) vers un refrain-ligne-droite imparable, pour finalement venir se poser en douceur sur un final amassant les couches de guitares comme on empile les bretelles d’autoroutes aux States. Plus loin, Lake Song offre une version plus concise des moments les plus planants de leur premier effort, et là comme dans bien d’autres morceaux, de discrets ajouts synthétiques apportent une touche originale à l’ensemble qui permet de dépasser l’habituelle esthétique post-punk/Gang of Four. Subtilement, Deeper accoste avec ces nouvelles chansons sur des rives autrefois explorées par Viet Cong/Preoccupations sans toutefois complètement leur ressembler. Et si la cohérence l’emporte cette fois-ci, chaque titre propose néanmoins quelque chose d’unique, de l’alternance entre lenteur et mid-tempos débridés sur 4U jusqu’à la fausse intro ‘house’ du final Warm. Le son et les arrangements chirurgicaux restent froids d’un bout à l’autre, très eighties dans l’âme.  Et pourtant l’ensemble est vibrant, vivant – paradoxe improbable qui donne aussitôt envie de replonger dans l’album une fois celui-ci terminé.

Autre paradoxe : tout réussi et enlevé qu’il soit, Auto-Pain développe de fait un propos grave sur la difficulté d’accéder au véritable bonheur dans nos sociétés dystopiques, propos inspiré du ‘Meilleur des Monde’ d’Huxley (Helena’s Flowers). Les circonstances entourant la création de ce disque restent d’ailleurs très particulières. Alors que Deeper tournait en Europe, le groupe a ainsi appris le suicide de leur ancien camarade, parti en froid et souffrant visiblement de dépression profonde. Choqués mais néanmoins résolus à aller de l’avant, Nic Gohl et sa bande n’ont eu d’autres choix que de confronter leurs propres démons ici (ils reverseront d’ailleurs une partie des royalties à une association de lutte contre le suicide). Sous l’angle de cette tragédie intime, certaines des paroles du groupe, écrites avant le drame mais clairement adressées au compagnon déjà perdu, résonnent de façon particulièrement poignantes : ‘I just want you to feel safe‘ Nic Gohl supplie sur Lake Song, peu de temps avant qu’il ne répète désespérément ‘It’s alright‘ sur l’excellent Willing. Tension et catharsis. En appuyant là où ça fait mal, mais en essayant de soulager aussi, Deeper vient peut-être de dévoiler de nouvelles façons de renouveler le post-punk, entre noirceur matricielle et lumière au bout du tunnel.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
This Heat, Run, Willing, Lake Song, 4U, V.M.C, The Knife


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