21 Avr 12 Death Grips – « The Money Store »
Album
(Epic)
23/04/2012
Hip hop chaotique
Dans les bureaux d’Epic, l’incompréhension est totale. A quelques jours de l’échéance fatidique, le label de Shakira et Jennifer Lopez se gratte la tête, déboussolé par l’étrange affaire qu’il a conclue un lendemain de cuite en signant Death Grips. Comment va-t-on pouvoir vendre « The Money Store », premier album issu de la rencontre entre Zach Hill (batteur fou connu pour son jeu habité et ses nombreuses collaborations) et MC Ride (croisement remarquable entre un homme d’église possédé par le démon et un prêcheur d’apocalypse imminente), tous deux accompagnés par Andy Morin aux synthés? Auteur d’une mixtape abrasive intitulée « Exmilitay » et qui aura fait beaucoup parler d’elle l’année dernière, le trio s’apprête à déverser sur le monde innocent toute la brutalité et l’originalité dont il est capable: deux qualités qui l’ont fait devenir en très peu de temps un groupe au son unique.
Ce que les trois compères sont parvenus à créer, c’est une tension immense, un sommet d’agressivité à nul autre pareil qui, le long de ces 13 titres, ne relâche pas une seule seconde son emprise sur un auditeur tétanisé. Cette fascinante noirceur qui est leur marque de fabrique, elle se divise entre la frappe syncopée et complexe du jeu de Zach Hill, les samples torturés et les basses saturées d’Andy Morin, et la voix de MC Ride qui harangue et interpelle. Semblant s’adresser à une foule innombrable, elle agit comme un fil tendu, un repère au sein d’une musique qui brasse le chaos, pour mieux montrer la lumière.
L’énergie qui se dégage de l’album renvoie à des groupes fondateurs: Public Enemy, Sex Pistols, Nine Inch Nails, tous porteurs d’une vision hautement personnelle de leur art qui a fait date dans l’histoire de la musique contemporaine. Il serait présomptueux de prétendre à l’intemporalité immédiate pour Death Grips, mais son oeuvre est faite pour durer, pour persister dans une redécouverte constante de ses infimes détails et de ses nuances volatiles. Par un tour de force magistral, le groupe convoque ici tout le danger que peut parfois engendrer la musique. Privant l’auditeur de ses repères, il l’empoigne et lui plonge violemment la tête dans un maelstrom d’intensité et de terreur sourde. Une terreur qui risque fort de laisser son empreinte sur l’année en cours tant le KO semble définitif et l’adversaire déterminé.
En écoute intégrale
Aymeric
Posted at 16:18h, 21 avrilJe ne connaissais pas la mixtape mais j’avoue que cet album est une bien belle découverte. En plus il est vraiment homogène du début à la fin. Un petit faible pour le final « Hacker », dont les arragements électro et les voix cuttées dans tous les sens me rappelent Rubin Steiner 😉