21 Août 21 Deafheaven – ‘Infinite Granite’
Album / Sargent House / 20.08.2021
Shoegaze
En interview, chaque groupe ou artiste en solo vous le dira : son nouvel album est ‘une évolution’, ‘une rupture’ vouée à surprendre les fans… et tant pis si, en réalité, la nouvelle livraison ne fait que ronronner doucement dans un sofa déjà bien usé. L’important reste peut-être de se donner l’illusion d’avancer. Les éclipses totales ne se produisent pas si souvent, après tout. Il y a vingt ans, Radiohead épatait son monde en remisant ses guitares au placard avec la doublette Kid A / Amnesiac. Une transformation qui a sans nul doute inspiré Deafheaven au moment d’enregistrer son cinquième album.
Certes, le groupe californien n’a pas (encore) troqué sa panoplie musicale pour des nappes de synthés dissonantes, quantité d’infrabasses et de rythmes à contre-temps. Néanmoins, Infinite Granite est un choc pour quiconque suit la trajectoire du groupe depuis près d’une décennie. Pour les autres, petit rappel des faits : depuis l’incroyable succès de Sunbather en 2013, Deafheaven a nettement contribué à populariser l’esthétique ‘blackgaze’, un mélange de black metal et de guitares shoegaze passé maître dans l’art d’excéder les puristes du ‘trve black metal’. Et si son dernier Ordinary Corrupt Human Love (2018) se voulait déjà légèrement plus tendre – avec un premier morceau, Night People, en chant clair pour George Clark –, cette fois-ci, le virage est total.
Deafheaven fait donc son coming-out pop. Excepté les dernières minutes du final Monbasa, vous n’entendrez aucun blast, aucun growl ni aucun riff tranchant sur Infinite Granite, mais des morceaux tout entier tournés vers Ride, période Going Blank Again – mis à part l’instrumental Neptune Raining Diamond, plus orienté électro 80’s. Cette influence est particulièrement flagrante sur le single In Blur, shoegaze ascendant britpop teinté de vagues influences psychédéliques. Et pour l’aider dans sa quête, le groupe a délaissé son ami et producteur de toujours Jack Shirley au profit de Justin Meldal-Johnsen (Paramore, M83, Jimmy Eat World…), dynamiteur de stade déjà à l’œuvre il y a dix ans sur le Midnight City de M83.
On ne reprochera évidemment pas ici à Deafheaven de prendre des risques ou d’impulser une nouvelle direction à son parcours. D’autant que sur la forme, le résultat reste très convaincant, en particulier pour le chant de Clarke, beaucoup plus riche en nuances qu’on ne l’aurait imaginé. Non, le problème, réside ailleurs. En délaissant un peu de ce qui faisait sa puissance et sa singularité pour une approche bien plus convenue du shoegaze, le groupe rentre finalement dans le rang des milliers de groupes étiquetés dreampop nés dans la dernière décennie. D’autant qu’Infinite Granite s’étire un peu trop et manque de dynamiques pour captiver sur la longueur. Dommage, car si des titres comme In Blur, Lament of Wasps ou Mombasa garde de la fraîcheur, on préférera sans doute toujours se repasser les anciens disques du groupe. Reste à savoir maintenant comment les Californiens intégreront ces nouveaux morceaux à leur répertoire scénique. Là encore, la rupture risque d’être radicale.
A ECOUTER EN PRIORITE
In Blur, Nepture Raining Diamonds, Lament of Wasps, Mombasa
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