13 Sep 24 DEADLETTER – ‘Hysterical Strength’
Album / So Recordings / 13.09.2024
Post punk
Le For The First Time de Black Country, New Road paru en 2021 a fait passer le post-punk cuivré dans une autre dimension. Trombones, saxophones et trompettes d’Angleterre se mêlent désormais régulièrement aux guitares, basses et batterie rugissantes des nouveaux groupes de punk, et participent par la même occasion à une certaine intellectualisation, à un renouveau du genre. Si Maruja tente de frayer son chemin dans ce même sillon depuis Manchester, ce sont bien les Londoniens de DEADLETTER qui prennent les devants, le groupe dévoilant Hysterical Strength, son premier long-format.
Initialement formé dans le Yorkshire par Zac Lawrence (chant et guitare dans un premier temps), George Ullyott (basse) et Alfie Husband (batterie), DEADLETTER fait ses premières armes en jouant dans les rues de York et de Scarborough. La formation s’élargit progressivement après son déménagement à Londres en 2017 : une saxophoniste (Poppy Richler qui a quitté le groupe l’été dernier) et deux nouveaux guitaristes (Will King et James Bates depuis remplacé par Sam Jones) arrivent et permettent à Zac d’abandonner la guitare pour se concentrer sur le chant. Désormais complet, le sextet est prêt à faire rugir les salles londoniennes et à sortir ses premiers morceaux composés sous l’influence des Talking Heads, Gang of Four et Wire. Il aura fallu attendre deux ans après le premier single pour enfin entendre un premier projet, le très solide EP Heat!. Encore deux ans plus tard, en 2024, le groupe double la mise avec More Heat! qui dévoile quatre morceaux supplémentaires – More Heat!, Relieved, Mother, Mere Mortal – tous présents sur Hysterical Strenght.
L’album s’ouvre sur Credit to Treason, véritable hymne post-punk de cinq minutes sur lequel Zac Lawrence pose sa voix sombre et grave sur une batterie et une basse servant toutes les deux de structure au morceau. Autour, Will King et Sam Jones s’amusent à faire vrombir ponctuellement leurs guitares, à l’image des textures sonores que Daniel Ash pouvait nous offrir sur les albums de Bauhaus. La seule once de lumière est émise par le saxophone de Poppy qui vient ajouter un réel contraste au reste de l’instrumentation. Cette introduction pose les bases d’un album qui s’inscrit dans une dynamique pardoxale de punk sombre un tant soit peu groovy. Cette même idée de contradiction était par ailleurs déjà affirmée par le groupe qui clamait sa volonté de produire une musique illustrant la dualité entre la brutalité du monde et une certaine beauté de la nature : ‘The world is brutal but there are cherry trees in blossom. This is the philosophy that underpins DEADLETTER‘. En outre, un morceau comme Bygones s’inscrit aisément au palmarès des meilleures partitions punk de l’année. Zac mélange séquences phrasées – si typiques du post-punk contemporain – et séquences chantées – elles, moins communes. Les autres membres du groupe viennent se greffer à lui pour probablement délivrer la meilleure performance instrumentale de l’album. Autre temps fort, Deus Ex Machina, qui renoue dans un premier temps avec un certain psychédélisme proche des Californiens de Jefferson Airplane, avant de s’intensifier progressivement au gré d’un rythme martelant et entêtant dicté par le saxophone de Poppy.
A l’heure où les groupes de punk se multiplient sans modération et qu’on ne sait plus nécessairement où les situer, DEADLETTER se montre judicieux en cherchant justement à se démarquer. Sa recette, qui reprend les codes traditionnels du post-punk, semble familière à première vue, avant de se révéler unique et singulière au fur et à mesure des écoutes. Un nouveau défi se présente donc désormais aux cinq garçons : réussir à combler le départ de leur saxophoniste qui apportait à elle-seule le caractère oxymorique des compositions.
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