
04 Nov 22 Dead Cross – ‘II’
Album / Ipecac / 28.10.2022
Thrash punk expérimental
‘Si à cinquante ans, on n’a pas son groupe de punk hardcore, on a raté sa vie’ s’était sans doute dit Mike Patton il y a quelques années lorsqu’il accepta de reprendre au pied levé le rôle de frontman de Dead Cross, alors laissé vacant par Gabe Serbian (Retox, The Locust). Compte tenu du reste du line-up – Michael Crain (Retox), Justin Pearson (The Locust, Retox) et Dave Lombardo (Slayer, Fantomas, Suicidal Tendencies et tant d’autres…) – l’étiquette de ‘super-groupe’ leur a ensuite très vite été apposée…
A la sortie de leur très bon premier LP (2017), surprenant étant donné les agendas chargés des quatre, rien ne laissait nécessairement présager l’annonce d’une tournée conséquente. Et pourtant, tournée il y eut, y compris dans nos contrées européennes, et distribution générale de grosses claques ce fut. Car comme tout combo punk hardcore qui se respecte, le potentiel de destruction massive de Dead Cross prend pleinement effet sur scène, où les reprises survitaminées de Black Flag, Dead Kennedys, ou encore Slayer résumaient plutôt bien la manière dont certaines influences clés de la bande ont été digérées. Tout cela, combiné à une bonne dose d’engagement et de fun – Patton prenant un malin, mais bienveillant, plaisir à faire monter chaque soir un petit jeune sur scène pour le charger des chœurs sur le morceau Shillelagh – avait ainsi fini de convaincre de l’entière sincérité de la démarche de ces vétérans.
Courant 2019, alors que les américains avaient commencé à plancher sur leur deuxième long méfait, Crain se voyait diagnostiquer un cancer et, contre l’avis initial de ses acolytes, décidait de continuer d’enregistrer coûte que coûte ses parties de guitare entre deux séances de chimio : une véritable thérapie de son propre aveu puisque sa maladie a finalement été vaincue. Le sort s’acharnant encore, ce fut alors au tour de Patton – l’infatigable stakhanoviste aux innombrables facettes, et a priori maître dans l’art de manier l’ironie et la prise de distance – de sombrer dans une profonde dépression, la faute aux confinements successifs en pleine pandémie, avant de progressivement refaire surface malgré une certaine fragilité résiduelle.
II est donc, pour le moins, un album conçu et accouché dans la douleur. D’ailleurs, quelques mois avant sa sortie, Serbian – chanteur originel, et ami proche du quatuor – décède subitement. De quoi faire encore un peu plus douter Patton : ‘J’ai remplacé deux chanteurs dans deux groupes différents [le deuxième étant Chuck Mosley de Faith No More] dans ma vie, et les deux sont morts… Qu’est-ce que je suis censé penser de tout ça ? C’est dur à digérer.’ Reste que le groupe livre là un album à l’accroche plus immédiate, mais également plus diversifié que son prédécesseur. Alors que l’ambiance générale reste ancrée dans le punk hardcore thrashisant, on est d’entrée interpellé par le côté western spaghetti façon Cone of Shame (Faith No More) du début de Love Without Love – le décor de saloon hanté en plus – ou encore, par les riffs et rythmiques rappelant Tomahawk sur Animal Espionage. Crain semble avoir eu des envies sonores un peu plus variées sur ce disque, en témoigne la digression surf rock psychédélique pendant le très thrash Nightclub Canary, tandis que Patton nous y gratifie d’un de ses cris stridents dont il a le secret au sein de Fantômas. Au fur et à mesure que les neuf titres défilent, on retrouve un large éventail de ses mythiques capacités vocales : les aficionados du san franciscain boiront du petit lait… Sur Christian Missile Crisis, son timbre plus profond se marie d’ailleurs parfaitement aux gueulantes plus rêches de Pearson : une belle petite chorale en somme, à ne pas mettre entre des oreilles trop sensibles néanmoins…
Ainsi, même si les embûches de taille ayant personnellement affecté deux de ses membres auraient pu simplement signifier la mise en stand-by prolongée de Dead Cross, celles-ci ont probablement amené encore plus d’intensité à ce nouvel opus. A cela s’ajoute certainement le fait que, contrairement au précédent effort, Patton ait pu contribuer à l’élaboration des titres dès le tout début du processus de création. Cependant, étant donné l’état de forme actuel de celui-ci, des incertitudes subsistent quant à la possibilité de pouvoir prendre prochainement la pleine mesure de ces nouveaux morceaux en live… On espère y avoir droit, comme au retour de tous les projets de la galaxie Patton…
A ECOUTER EN PRIORITE
Love Without Love, Animal Espionage, Ants and Dragons, Christian Missile Crisis
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