Daniel Blumberg – ‘GUT’

Album / Mute / 26.05.2023
Indie expérimental

La bouche vissée à un harmonica basse, escorté de cordes discrètes et de quelques touches de piano, Daniel Blumberg plante avec Gut le décor le plus expérimental de sa discographie. Le clip de Cheerup, apparu quelques temps en amont de ce troisième album, laissait déjà présager des méandres perturbés. A l’image de la pochette sur laquelle il s’affiche nu et le crâne rasé, le songwriter s’y tortille en noir et blanc dans des agitations intérieures tel un danseur butô. Un extrait qui se révèle être finalement le plus conventionnel de cet assemblage radical de trente minutes émotionnellement intenses.

Car, ailleurs, une orchestration de nappes épurées joue la carte de perceptions profondes, tout comme la voix du londonien qui s’installe dans la noirceur, assurant à elle seule la part mélodique des six titres interconnectés du disque (Bone, Holdback, Gut). Son timbre aérien et authentique, fait de couches successives, vient brusquement surprendre sur l’étonnant Body, dans une bizarrerie inconfortable de râles gutturaux placés au premier plan. Un contre point à la limite du suffocant qui trouve écho sur l’extraordinaire Knock où la batterie, fil conducteur jusque-là discret et décousu depuis le premier acte, prend enfin vie dans le fracas chaotique d’un orchestre philarmonique sans boussole.

Ces deux morceaux connectent incontestablement Blumberg au regretté Scott Walker, époque Bish Bosch : un rapprochement qui fait naturellement sens auprès de Peter Walsh – ancien collaborateur du susnommé, capable des plus grandes audaces de mixage et de production – qui escorte Blumberg depuis Minus (2018) et assure également la mise en relief de cette nouvelle salve. Il semblerait que les deux aient ici trouvé l’équilibre parfait d’une coopération contribuant à faire de Gut une expérience empirique aussi profonde que bouleversante, n’offrant finalement pas d’autre alternative que d’être accueillie dans son entièreté. Daniel Blumberg signe ainsi d’un geste exigeant une œuvre déchirante et imprévisible, indéniablement la plus homogène et la plus aventureuse jamais réalisé jusqu’alors au sein de son parcours. Grandiose.