Damon Albarn – ‘The Nearer The Fountain, More Pure The Stream Flows’

Damon Albarn – ‘The Nearer The Fountain, More Pure The Stream Flows’

Album / Transgressive / 12.11.2021
Pop

Avec son titre qui ressemble à un précepte confucéen et une promo digne d’un best-seller ‘feel good’, le second album de Damon Albarn a tout du cadeau à mettre sous le sapin. Objet pop calibré pour la grande distribution, réalisé par un touche à tout de génie, The Nearer The Fountain, More Pure The Stream Flows ravira autant les fans par son sens mélodique imparable qu’il les frustrera pour son manque de parti-pris.

A l’origine de l’album, il y a le deuil et le besoin de prendre du recul. Il y a aussi la découverte – jusqu’à l’envoûtement – de l’Islande, et l’envie – très réussie – de faire de toutes ces émotions un concept-album introspectif, parcouru de quelques singles bien sentis, voire un des plus beaux de l’année. D’ordinaire, on se satisferait de ça pour classer un disque au rang des réussites, mais quand il en va de Damon Albarn, de son goût pour les pas de côté, les surprises expérimentales, et que la promo nous martèle sans relâche en amont de sa sortie qu’on aura affaire à un bijou, c’est un peu court.

Il y a de la complaisance dans cet album profondément romantique. Une ambition vite résignée, comme une poésie sombre qui resterait engluée dans la flemmardise. Pour rester pop et propre, Albarn multiplie les effets sans jamais prendre de vraie direction musicale, d’où la frustration. Par exemple, il ouvre (et clôture) le disque sur des titres vaporeux, où sa voix chaude sevrée de vibrato traîne idéalement sur des nappes synthétiques, ce qui n’est pas sans rappeler les atmosphères de Willis Earl Beal, mais cette voix s’englue souvent dans une forme de mollesse. Il engage des instrus ambitieuses ‘guitare-piano-saxophone’, lorgnant vers le post-rock de feu Mark Hollis, mais réintègre rapidement une rythmique pour recadrer l’ensemble. Et quelle rythmique ! C’est essentiellement une boîte à rythme qui impose sa langueur sans grâce à tout l’album et lui confère ce sentiment de fatigue chronique. Il le fractionne aussi de trois instrumentaux aux sonorités audacieuses, mais les pose comme trois incongruités isolées du reste.

Le début est pourtant prometteur, le spatial The Nearer… laissant place à The Cormorant aux accents trip-hop jazz évoquant le spleen de Jay Jay Johanson, avant que Royal Morning Blue impose ses mesures rondement pop. Vient ensuite la parenthèse désenchantée, ouverte puis refermée par deux instrumentaux très inégaux. Tout d’abord, le très inspiré Combustion, dont on aurait aimé retrouvé le fouillis organique, la densité et la matière plus régulièrement dans l’album. Mais à sa suite, le triste Daft Water manque véritablement d’ampleur et de lumière, et s’étire dans un agrégat sonore d’où émerge Darkness To Light, sans plus d’ambition. Esja, second instrumental, étirement de cordes spectral, clôt ce passage résolument faible.

Hormis Giraffe Trumpet Sea, dernier instrumental venu de nulle part, l’album retrouve une belle homogénéité pop avec l’enchaînement de The Tower Of Montevideo, mélancolique et pénétré, Polaris, pièce magistrale et candidate au titre de single pop de l’année concentrant toute la lumière du disque, puis Particles, qui nous renvoie au silence avec mélancolie et dans une douceur apaisée. De la promesse méditative, du voyage introspectif, nous aurions voulu rapporter une expérience, sentir, à travers les onze compositions de The Nearer The Fountain, More Pure The Stream Flows, les éléments, la fièvre, la contemplation. Damon Albarn nous livre  un album de pop bien foutu, ni tellurique, ni contemplatif. C’est peu. Ou c’est déjà beaucoup.

VIDEO
ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Royal Morning Blue, The Tower Of Montevideo, Polaris, Particles

À LIRE AUSSI

Pas de commentaire

Poster un commentaire