Daft Punk – « Random Access Memories »

Daft Punk – « Random Access Memories »

Album
(Columbia)
22/05/2013
Tenue de soirée

La France est un pays nostalgique. Les canaux rediffusent jusqu’à plus soif les actes glorieux des idoles d’hier, offrant à ces dernières suffisamment de temps d’antenne pour les nourrir de royalties. Se succèdent ainsi sur nos écrans et transistors les mêmes visages qui émaillent aujourd’hui les Zénith pour des tournées sponsorisées adressées à un public aussi jauni qu’un vieil album de souvenirs. Convenons qu’il serait désastreux de ne pas rendre hommage aux fulgurances d’Emile et Image, Patrick Juvet et Jean-Luc Lahaye. Frédéric Forestier ne démentira pas, lui qui eut récemment la présence d’esprit d’offrir un chef d’oeuvre cinématographique à cette génération – « Stars 80 » – pour que jamais le monde ne les oublie.

Ces idoles de pacotille avaient à l’époque trouvé écho en digérant jusqu’à la diarrhée les sons déjà surproduits de Chic à Donna Summer ou Cerrone. De cette zizanie sonore est né un vaste pot-pourri où disco, funk et merde ne sont plus distingués. Cette époque a fait Daft Punk, une des rares formations à avoir su réutiliser avec succès les sédiments des meilleurs échantillons de leur jeunesse. Il n’est donc guère étonnant de les voir revenir à cette source qui les a déjà tant abreuvés.

Tissé comme un tapis rouge,  »RAM » est ponctué de réussites irréfutables, de l’opéra « Touch » ou le surprenant « Motherboard » plus proche de Tortoise que d’Edwin Birdsong, jusqu’à la présence salvatrice de Panda Bear sur « Doin’ It Right ». Néanmoins, que reste t-il une fois l’emballement médiatique et le name-dropping dissipés? Le duo transpire tant la fascination pour ces héros qu’il ne se permet plus la moindre fantaisie en leur présence. Clinique, conçu par des instruments entièrement désinfectés, la chirurgie réparatrice génère un hybride sans âme. Clairement, le pouls battait plus fort quand Daft Punk n’était que robot. En délaissant les machines au profit des instruments de requins de studio du siècle dernier, Daft Punk tombe dans l’hommage pompeux.

Quid de « Giorgio Moroder » dont le témoignage savoureux aurait pu trouver meilleure sublimation qu’une redite de son oeuvre? Si le duo érige un pont générationnel heureux entre interprètes d’hier et d’aujourd’hui, il ne parvient pas non plus à parler du futur. Déjà passé à la postérité, son regard est tourné vers son propre passé. Certes, cette absence de perspective n’empêchera pas le disque de s’écouler. Clinquant, taillé pour cohabiter avec les classiques de RFM,  »RAM » aidera certainement à concrétiser quelques coïts chez les admirateurs de Richard Anconina. On laissera donc généreusement ce disque aux soirées mousse du Cap d’Agde en attendant des lendemains moins poussiéreux.

itunes18

En écoute intégrale


2 Commentaires
  • Thierry
    Posté à 13:06h, 26 mai Répondre

    Ha ben enfin quelqu’un qui est d’accord avec moi « … il ne parvient pas non plus à parler du futur. Déjà passé à la postérité, son regard est tourné vers son propre passé. » Dommage j’aurai aimé aimer ce disque

  • maisjpmt
    Posté à 08:55h, 29 mai Répondre

    Merci, mille fois merci ! Une telle liberté de ton sur un album prévendu par tous comme indispensable voire génial (dixit les Inrocks, OMG, mais pourquoi le copinage l’emporte-t-il un peu plus chaque semaine chez JD Beauvallet dont l’indépendance était jusqu’alors un point fort ?) est un plaisir indéniable. J’ai cru devenir fou à force de devoir justifier mon aversion pour ce groupe et cet album particulièrement. Cette étonnante impression que ne pas être parmi les adeptes de la secte fait de toi un dangereux personnage qui n’a rien compris. J’assume, mais lire de telles chroniques est tout de même vivifiant et rend mon statut de paria plus simple à vivre.

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