11 Avr 22 Crows – ‘Beware Believers’
Album / Bad Vibrations / 01.04.2022
Post punk noise
Un proverbe flamand dit : ‘Les corbeaux volent là où est la charogne’. Crows nous en fait une démonstration exaltante.
Voilà quelques années déjà que le post-punk connaît un revival tonitruant sur les scènes européennes. Par dizaines, des groupes de trentenaires reprennent les codes du genre pour exprimer leur exaspération face à un monde qui ressemble de plus en plus à une mauvaise compilation de romans d’anticipation post-apocalyptiques. Principe de la loi de causalité, plus les gouvernements poussent le bouchon, plus les artistes poussent le volume et nos oreilles, elles, y trouvent leur compte. Mais qui dit revival dit marché saturé. Alors comment se faire un nom parmi les innombrables Idles ou Fontaines DC qui surgissent au rythme de la révolte ? En poussant le volume encore plus fort.
Les quatre jeunes hommes à l’allure de gendres idéaux propre aux groupes britanniques, avaient déjà convaincu la critique en 2019 avec leur premier album Silver Tongue, signé justement chez Balley Records, le label du patron, Joe Talbot. S’il n’avait pas non plus crevé les enceintes, la touche noisy de leurs compositions leur permettait déjà de se démarquer. Autant dire que le second opus était vivement attendu, autant par leur public que par le groupe lui-même, si bien qu’il s’écrivait déjà fin 2019, boosté par la rage induite par ‘le Brexit et ce que le gouvernement leur faisait subir’. A cette période, James Cox confiait qu’il lisait beaucoup de romans dystopiques. Constater que la réalité n’était pas si différente une fois le nez levé du bouquin l’avait inspiré pour l’écriture de ce deuxième LP. Ce qu’il ignorait, c’est que le vilain Covid patientait tranquillement dans les coulisses…
Comme pour la majorité des artistes, la pandémie a bousculé les plans de carrière de Crows et les a conduit à leur première pause depuis leur formation en 2015. Déception monumentale pour ce groupe particulièrement taillé pour la scène et l’échange de postillons avec un public en colère. Heureusement, quand tu donnes dans le post-punk ou le noise, toute frustration sert à donner plus de corps et d’énergie à ta musique. Ce temps de réflexion, que ne prennent pas forcément les musiciens quand ils sont sous le coup de l’inspiration créatrice, leur a donné l’opportunité de se perfectionner et d’obtenir le son le plus à même de déclarer leurs émotions. On s’en rend compte dès le morceau d’ouverture, Closer Still : Crows est encore plus viscéral et obscur qu’il y a deux ans. Les murs de guitares saturées témoignent d’une sensation d’étouffement (Sad Lad), la batterie enragée donne le ton angoissant et urgent (notamment sur Room 156 qui parle d’un sérial killer) tout en laissant la place qui lui est due à la voix habitée de James Cox.
11 titres qui déferlent tel un torrent de boue, 38 minutes dont on ressort avec l’impression de s’être pris le 3 tonnes qu’on espérait pour se défaire un temps de toutes nos contrariétés communes.
Il aura fallu attendre deux ans pour que Beware Believers voit le jour. D’après les dires du groupe, il s’est agi d’un vrai marathon parsemé de hauts et de bas, au point qu’il s’est auto proclamé ‘groupe de plus malchanceux de Grand Bretagne’. Comme une farce, ils ont acté leur retour un 1er avril sous le tout frais label Bad Vibrations, organisateur du festival Wide Awake qui réunit ce qui se fait de mieux dans ce revival post-punk, gage de qualité donc. Ils redoutaient que le monde ait fini par les oublier depuis Silver Tongue, mais nul doute que Crows fera partie de la fête et qu’on pourra compter sur leur énergie séditieuse pour les chapitres à venir.
A ECOUTER EN PRIORITE
Closer Still, Room 506, Sad Lad
Pas de commentaire