Cory Hanson – ‘Western Cum’

Cory Hanson – ‘Western Cum’

Album / Drag City / 23.06.2023
Rock psychédélique

Avoir été guitariste pour Mikal Cronin, Meatbodies, et Ty Segall (lors de la tournée Emotional Mugger en 2016) suffirait déjà à établir la crédibilité artistique de Cory Hanson. Avoir fondé Wand et être en partie responsable de l’évolution musicale fascinante de cette formation lui permet, de surcroît, de s’imposer comme un créateur intriguant, marquant durablement les esprits. Se dévoiler en solo sur d’élégantes balades country rock, suspendu au fil de l’émotion la plus juste, montre enfin toute l’étendue de son talent mélodique, qu’il conjugue avec habileté à son goût pour l’expérimentation. C’est ainsi que The Unborn Capitalist in Limbo en 2016, et le très réussi Pale Horse Rider, en 2021, le voyait se reposer de la plus belle des manières de ses audaces garage et psychédélique en renouant avec des formes musicales américaines plus traditionnelles. Avec Western Cum (ce titre!), le californien poursuit sa route aventureuse en compagnie d’un nouveau groupe, Slowhand, dans lequel on retrouve, entre autres, son frère Casey à la basse. Cette fois-ci, il s’agit de lâcher la bride aux guitares. Quelques accents country se font toujours entendre, comme sur Twins, le second single de l’album, mais, le plus souvent, ce sont de véritables rafales électriques qui parcourent le paysage sonore. Rien de gras ou de lourd toutefois, plutôt de la flamboyance, des cavalcades effrénées, des pauses qui crépitent ou des montées en spirale vers des cieux ardents. On a affaire, certes, à un album de guitares, explorant toutes les capacités de l’instrument, mais en s’efforçant de ne sombrer dans aucun des clichés de son usage, et en particulier celui de la démonstration technique érigée comme fin en soi.

Dès le premier morceau, Wings, on est surpris de constater que le son et le jeu des guitares fassent penser à Thin Lizzy, une impression qui se répétera d’ailleurs à l’écoute d’autres morceaux, comme Persuasion Architecture. Mais, même si sa musique en présente parfois les atours, cela ne signifie pas pour autant que Cory Hanson ait glissé du côté du Heavy Rock. D’une part, parce que sa voix délicatement perchée, s’immisçant avec discrétion dans les aigus, comme sur le magnifique Ghost ship, apporte entre deux déflagrations sonores une certaine douceur évoquant la nostalgie de l’enfance, ce qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler Neil Young. D’autre part parce que Western Cum propose des morceaux aux constructions complexes, toutes en ruptures, pas de côté, brusques accélérations ou subits ralentissements, qui font penser au Marquee Moon de Television. Cory Hanson nuance ainsi la tonalité agressive de l’album en la forçant à cohabiter avec des mélodies vocales plus apaisées, comme il tempère l’immédiateté de certains riffs par des soli tortueux et imprévisibles, créant des discontinuités assez troublantes et exigeant de l’auditeur une certaine attention. Persuasion Architecture, très caractéristique de cette approche, commence très violemment, dans des effets de saturation assez surprenants, pour déboucher sur une mélodie délicate et fragile, un écrin de délicatesse, comme s’il s’agissait de définir un refuge à la bordure d’un monde chaotique. On pourrait également parler de Horse Bait Sabotage, qui sous des dehors rock sudiste, quitte assez rapidement un terrain balisé pour basculer dans des expérimentations similaires à celles que l’on retrouvait chez Wand.

Le sommet de l’album, qui synthétise toutes les directions prises par les autres morceaux, est à coup sûr Driving Through Heaven, longue et fascinante cavalcade électrique de plus de dix minutes, démentielle dans son art du changement de rythme et dans sa capacité à réorienter sans cesse la musique. Les moments de calme laissent rapidement la place à une chevauchée des guitares digne du Crazy Horse, servant de rampes de lancement pour des soli lumineux à la Tom Verlaine, avant que le chant ne ralentisse le rythme pour nous réconcilier avec ce qui nous entoure, immobile et apaisé. Il y a là un refus de la linéarité qui bouscule l’auditeur dans ses attentes, mais pour mieux le précipiter dans un voyage mouvementé où chaque proposition musicale dessine un nouvel aspect d’un paysage luxuriant. Motion Sickness, la belle ballade qui clôt l’album, convoque les mânes de Gram Parsons et des Screaming Trees de Mark Lanegan pour établir une forme de sérénité teintée de mélancolie. Au terme de ce périple trépidant, surprenant et émouvant, Cory Hanson s’impose comme un véritable esthète combinant habilement efficacité mélodique, fulgurances électriques et expérimentations hardies, composant ainsi un hallucinant western psychédélique.

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A ECOUTER EN PRIORITE
Housefly, Persuasion Architecture, Ghost Ship, Twins, Driving Through Heaven


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