
10 Mai 24 Cloud Nothings – ‘Final Summer’
Album / Pure Noise / 19.04.2024
Indie rock
Avec son neuvième album, Cloud Nothings pointe à nouveau le bout de sa guitare à travers les nuages gris qui encombrent parfois nos vies. On vous prévient d’emblée, le successeur de The Shadow I Remember (2021) s’inscrit dans la lignée de la longue liste de ses prédécesseurs, avec quelques excursions stylistiques bienvenues, mais sans véritablement se révolutionner tout à fait. Et… c’est précisément ça qui est bien : c’est du Cloud Nothings. On s’explique.
En lançant Final Summer, on est immergés dans un vaste drone de synthétiseur qui s’éveille progressivement, comme un beau lever de soleil, et aboutit à un véritable trip krautrock dont les motorik beats ne rougiraient pas devant Neu!. Surprenant, donc, de la part du trio de Philadelphie mené par le brillant Dylan Baldi, qui nous avait habitués à des morceaux plus garage (Turning On, 2009), indie rock et punk (Last Building Burning, 2018). Dès le second titre Daggers of Light, on retrouve néanmoins les brusqueries noise rock dont nous sommes plus coutumiers. Miraculeusement, celles-ci semblent malgré tout pleines de tendresses, et c’est la particularité de ce Final Summer. Car l’ensemble du disque a un aspect solaire et enjoué. Et nous ne sommes pas qu’influencés par son titre ou encore par les couleurs rougeoyantes de sa pochette : il s’agit bien de l’un des albums les plus léchés et pop de la discographie du groupe. Pour la toute première fois, Cloud Nothings n’a pas enregistré live, mais chaque musicien de son côté dans une cabine séparée. Et ça se sent. Le résultat est moins brutal qu’à l’accoutumée, davantage produit, plus brillant que jamais.
Quoi de mieux que cette production pop pour convenir au propos des morceaux, qui parlent du fait d’essayer de surmonter les angoisses du quotidien, de trouver du bonheur à la vie, même quand l’Apocalypse – ou notre ‘dernier été’ – serait pour demain ? Sur de la fuzz à faire trembler le parquet, I’d Get Along évoque ce souhait de toujours ‘aller de l’avant’ peu importe ce qui ‘pourrait arriver’. On retrouve tout du long de la galette ce genre de compositions qui nous secouent, nous encouragent par leur vigueur punk ; et d’autres, comme Running Through The Campus, qui nous bercent de belles harmonies vocales. Véritable invitation à être soi-même, ce dernier titre questionne les raisons qui poussent Dylan Baldi à faire une activité de weirdo solitaire – courir près de trois heures par jour, rien que ça ! – plutôt que faire quelque chose de plus conventionnel. Dans la même veine, On The Chain hurle de déchirants ‘si tu essayes de me sauver…’, comme un coup de gueule poussé contre les jugements nocifs de personnes qui voudraient sauver les autres de ce genre de marginalités. Clou du spectacle, Common Mistakes conclue l’album par un refrain providentiel : ‘choose your life’ y est répété comme un mantra, comme une parole performative qui nous exhorte à passer à l’action – à ‘choisir notre vie’ – une fois le disque terminé.
Le résultat, donc : un disque qui bouge un peu stylistiquement, certes timidement parfois. Mais pourquoi faudrait-il nécessairement qu’il en soit autrement ? Car par-dessus tout, l’album resplendit par la chaleur humaine qu’il communique et son envie de nous faire du bien, d’envoyer valser les normes qui pèsent sur nos vies au quotidien. Final Summer réussit un coup de force : celui de faire persévérer l’éthique slacker/grunge du groupe au-delà de la rage brute, dans une musique réconfortante qui communique de la joie de vivre. Alors c’est forcément réussi.
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