Clipping – ‘Visions of Bodies Being Burned’

Clipping – ‘Visions of Bodies Being Burned’

Album / Sub Pop / 23.10.2020
Hip hop expérimental

Même s’il trouve sa source dans le hip hop, Clipping s’anime dans un ensemble d’éléments prenant corps dans le prisme des fréquences. Une matière abrasive, presque palpable tant elle remplit l’espace jusqu’aux moindres interstices. C’est aussi et surtout une musique intelligemment balisée entre quêtes mélodiques, textes léchés et expérimentations surprenantes dont il est impossible – que l’on y adhère ou pas – de rester indifférent.

Difficile alors de ne pas s’incliner devant la maitrise de Daveed Diggs, au timbre de voix et au débit prodigieux, ou de rester de marbre face aux sculptures sonores de ces deux maestros du bidouillage que sont William Hutson et Jonathan Snipes. Un habile mélange de sonorités perceptibles et de bruits assourdissants ne laissant aucune place à la distraction, et faisant de chaque disque du trio de Los Angeles une expérience aussi singulière qu’impressionnante. Car depuis CLPPNG (2014), premier album tapageur, le groupe n’a cessé d’élever sa créativité et ce, de chacune de ses performances scéniques à ses sorties discographiques que le label Sub Pop, pourtant historiquement et majoritairement rock, a judicieusement flairé et continué de fidéliser sous son aura.

L’histoire de Visions Of Bodies Being Burned ne déroge pas à cette règle. Quatrième long format, et deuxième volet d’une thématique consacrée à l’horreur après le titanesque There Existed an Addiction To Blood, Clipping s’expose en une plaidoirie de seize chapitres sanglants, inspirés du monde, de films et de récits dont les références prendraient trop de place dans cette seule chronique. Un travail en amont qui, de nouveau, permet à Diggs d’aiguiser sa plume et à ses acolytes de triturer machines et mélodies, les esprits focalisés sur leur sujet.

Le trio redéfinit alors l’horrorcore à sa façon, refonde sa méthodologie originelle sans jamais négliger la musicalité de ses actes, assenant tour à tour titres imparables aux beats indélébiles (Say The Name, Pain Everyday, Check The Lock, Enlacing) et ondes de choc (Something Underneath, Make Them Dead, Body For The Pile). D’autres artistes viennent aussi mêler leur sang à la régénérescence de ces monstres : Ho99o9, pionnier du noise-rap participe au grinçant Looking Like Meat, ou encore Cam & China  avec ’96 Neve Campbell.

Visions Of Body Being Burned va de surprise en surprise. Comme lorsque l’on joue à se faire peur, il ébranle, provoque un inconfort corporel et autres soubresauts nerveux qui finissent par générer l’excitation. Sauf à volume irraisonnable, l’exercice n’est cependant pas risqué. En revanche, il demande du travail pour en saisir pleinement la substance. Mais n’est-ce pas à cet endroit que l’art est le plus intéressant, quand il nous sort de nos certitudes et de nos zones de confort, qu’il nous convoque tout entier pour finalement nous augmenter ? Entre être secoué ou rester en terrains rassurants, Clipping a depuis longtemps radicalement tranché. Chez Mowno, l’album figurera à coup sûr en haut de la pile en fin d’année. A vous désormais de choisir votre camp.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Say The Name, ’96 Neve Campbell, Something Underneath, Pain Everyday, Looking Like Meat, Body For The Pile, Enlacing


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