CLAMM – ‘Disembodiment’

CLAMM – ‘Disembodiment’

Ep / Meat Machine / 19.07.2024
Punk rock

Le punk carbure à la frustration et à la colère. Revendicatrices ou uniquement cathartiques, ses chansons peuvent être des crachats lancés à l’adversaire désigné, ou de simples cris libérateurs. Clamm assume clairement l’ancrage dans cette tradition, mais trouve sa singularité dans une forme de robustesse par laquelle il canalise son énergie pour mieux l’entretenir et ainsi la déployer sur la durée. Là où d’autres ne peuvent que s’épuiser en deux ou trois minutes, après avoir évacué sans mesure leur rage, le trio de Melbourne, lui, tout en visant un certain paroxysme dans l’expression des émotions, donne l’impression de ne jamais se fatiguer mais, au contraire, de se fortifier à chaque lancer de ses cocktails Molotov soniques. Furieusement déterminé, Clamm l’est, et cela au nom d’une éthique faite de principes de non violence et d’ouverture aux autres, ce qui, au moment où l’histoire s’accélère et nous plonge dans l’inconnu, n’a pas de prix.

Musicalement, Jake Summers (guitare, chant), Stella Rennex (basse) et Miles Harding (batterie) n’ont jamais sonné aussi fort et pertinent. Care, en 2022, avait bien quelques morceaux de bravoure mais cachait également ses longueurs derrière une production trop démonstrative, éloignée en ce sens de l’urgence et des qualités mélodiques de l’exceptionnellement percutant Beseech Me, le premier album de 2021. Aussi, revenir aujourd’hui avec un EP compact et sans temps morts, voilà ce que les australiens pouvaient faire de mieux. Le son de Disembodiment est certes massif, mais pour mieux se mettre au service d’une énergie n’invitant pas simplement à la résistance mais également à la transformation de soi. C’est ce à quoi invite d’entrée de jeu Change Enough, l’un des meilleurs morceaux jamais composés par le trio. Face aux horreurs de l’actualité, les États ont prouvé leur impuissance à agir, mais ce sinistre constat a fait prendre conscience à Jake Summers de la possibilité pour chacun, à son propre niveau, de s’améliorer, afin que d’une révolution intérieure puisse émerger petit à petit une révolution extérieure.Changer ses désirs plutôt que l’ordre du monde‘, comme le disait Descartes ; refuser la crispation identitaire qui nous force à rester ce que nous sommes tout au long de nos vies pour nous confronter à l’altérité hors de nous-même et en nous-même. La rapidité et la lourde brutalité de Change Enough permettent ainsi de s’opposer à toute affirmation de soi égocentrique pour défendre la valeur du changement en vue du progrès moral (Never change Enough / Destroy your bad habits / To be a better man).

Si, après cette entrée en matière magistralement furieuse, Disembodiment et Define Free ralentissent le rythme, c’est pour mieux faire ressortir les tensions extrêmes de la voix, avant que The Pressure ne les apaise en libérant paradoxalement toute la violence qu’elles contiennent, dans un paroxysme d’électricité et de frappes rythmiques inépuisables. Clamm n’a pas son pareil, à l’heure actuelle, pour accumuler les passions tristes afin de les recracher avec une détermination à toute épreuve dans des brûlots punk dont la rapidité n’entame jamais la solidité. La voix peut bien approcher à chaque instant de son point de rupture, tout comme l’instrumentation soumise à une cadence infernale, on sent toujours une conviction et une maîtrise de soi dirigeant l’ensemble et l’empêchant de n’être qu’une vaine et éphémère expression d’instincts agressifs. Et c’est ainsi que l’énergie du trio parvient à transformer la rage en véritable courage, lequel, puisqu’il est toujours porté par la force et les projets d’un collectif, montre de quelle manière l’éthique rejoint le politique.

ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Change Enough, The Pressure

EN CONCERT

No Comments

Post A Comment