Chris Cohen – ‘Paint a Room’

Chris Cohen – ‘Paint a Room’

Album / Hardly Art / 12.07.2024
Pop folk

Le mois de juillet est déjà là, avec son lot de distractions et d’occupations estivales plus ou moins récurrentes : barbecue, rosé bien frais (avec modération), Tour de France, élections, Euro de football et J.O. Pour les aoûtiens, l’ambiance au travail est franchement plus détendue et on en oublierait presque que, dans l’indifférence quasi-générale, sortent encore quelques disques, et non des moindres. C’est en effet ce 12 juillet que le label Hardly Art propose Paint A Room, le quatrième album de Chris Cohen, auteur-compositeur-interprète accompli et accompagnateur indispensable des glorieuses premières heures d’Ariel Pink, Deerhoof ou de Cass McCombs.

Infatigable, l’américain a été plus récemment producteur-accompagnateur pour Weyes Blood, Kurt Vile ou Marina Allen. Il a surtout réalisé quatre très beaux albums solos, dont trois pour le label Captured Tracks (Overgrown Path en 2012, As If Apart en 2016, Chris Cohen en 2019), enregistrant lui-même des douzaines d’instruments selon une méthode solitaire et progressive qui lui a permis d’accoucher de quelques-unes des plus belles chansons d’une bedroom-pop baroque et virtuose, cousines de chambre des rêveries nostalgiques de Brian Wilson, John Cale ou Mac DeMarco.

Cinq ans plus tard, il compile ici dix nouvelles pop songs gracieuses, éprouvées en concert avant l’enregistrement avec le bassiste Davin Givhan, le batteur Josh da Costa et le claviériste Jay Israelson, chacun ayant la liberté totale de ses parties instrumentales. Une fois en studio, la musique de l’américain bénéficiera de la contribution de Jeff Parker pour l’arrangement des cuivres et de Josh Johnson (producteur de l’album The Omnichord Real Book de Meshell Ndegeocello, récompensé aux Grammy Awards) pour les arrangements de flûte, de saxophone et de clarinette. Une équipe réduite et un processus de création nouveau pour lui, certes, mais qui font de Paint A Room et sa sublime pochette, un petit bijou de groove feutré subtilement alambiqué. Mêlant timbres acoustiques et électriques, la musique décontractée de Chris Cohen n’est pas pour autant que vintage ou rétro sur la forme mais elle fonde sa modernité sur des signatures rythmiques complexes, des changements de tonalité souvent surprenants, des constructions personnelles ciselées et délicates, qui font de ce disque un partenaire de plage idéal garanti pourtant sans tube de l’été, surtout compte tenu des thèmes abordés, pas des plus légers.

Comme à son habitude, l’introverti Chris Cohen (sauvé par la musique dès son plus jeune âge) raconte ouvertement les tourments de l’époque et les évolutions du monde, sous des angles inattendus. Le single Sunever a été écrit par exemple pour un enfant transgenre et rappelle que les transitions subies ou choisies font partie de la vie, et que nous sommes tous, toujours entre deux chemins. Le titre Damage qu’il dit être sa ‘version d’une chanson pop abolitionniste’, interroge sur la façon dont nous exerçons notre pouvoir sur les personnes les plus faibles en évoquant ‘les formes que prennent la violence de l’État et l’habitude subtilement omniprésente de nier la personnalité de quelqu’un d’autre’. Un épuisement existentiel propre à l’époque qu’il aborde aussi sur l’imposant Laughing. Tendre et vulnérable, Cohen n’a pourtant jamais semblé aussi assuré que sur ce nouvel album, survolant chaque piste en toute confiance avec une aisance vocale qui impressionne quand il s’agit de lutter contre les arpèges tendus de Wishing Well ou de planer au-dessus de la rythmique chatouilleuse de Physical Adress.

Sublimes et ensoleillées, les dix chansons de Paint A Room sont à la fois ancrées dans les turpitudes métaphysiques de Cohen et de sa vision du monde, tout en nous invitant à penser une alternative, un ailleurs fait de promenades solitaires nocturnes et de nouveaux endroits où poser son âme. Une autre maison, tout aussi accueillante, un refuge dans lequel il nous resterait, bien évidemment, quelques pièces à peindre.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Damage, Sunever, Cobb Estate, Laughing, Wishing Well, Randy’s Chimes

EN CONCERT

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