Chocolat Billy – ‘Le Feu au Lac’

Chocolat Billy – ‘Le Feu au Lac’

Album / Kythibong / 22.04.2022
Pop dada

Il est urgent de garder les pieds sur terre‘, peut-on lire dans leur bio. Les quatre bordelais de Chocolat Billy ne se contentent pas, comme bon nombre, de dire que tout va mal en se résignant à contempler l’apocalypse, ils préfèrent danser, et ce faisant nous réapprendre, sous leurs dehors faussement naïfs et détachés, à redéfinir nos appuis dans ce monde liquide, première étape et unique méthode pour se remettre un pied devant l’autre.

Depuis 25 ans, la musique du groupe est marquée par la simplicité et le plaisir, et Le Feu Au Lac, ce septième album, ne dément pas la formule. Les membres, tous multi-instrumentistes, passent d’un pupitre à l’autre quand bon leur semble, avec pour seules motivations : faire durer la danse, un goût prononcé pour appeler le monde à eux, et faire l’apologie du lâcher-prise. Autant dire que la musique de Chocolat Billy est à elle seule une déclaration de guerre à la morosité ambiante qui rappelle, dans la démarche et la sonorité, les accents aussi festifs que militants du fantastique album d’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp paru l’an passé.

On pourrait de prime abord faire de Chocolat Billy un groupe assez peu concerné par l’actualité. Sur des mélodies parfois réduites à minima, systématiquement développées par des synthés vintage aigrelets, des paroles s’attardant à des détails, des souvenirs, on se dit que le groupe s’attache au superficiel, à l’anecdote. Ce ne serait pas les premiers, et ça suffirait à nous faire danser tout l’été, même dans le noir, comme le titre du même nom (Je Danse Dans Le Noir, impeccable d’efficacité et d’économie), le redoutable Au Cinéma, ou son pendant anglais Watch Out, sorte de clin d’oeil au groove excité des B52’s. 

Avec Jacques Revient De La Pêche, probablement sur une plage des caraïbes proche d’un aéroport, le groupe réussit à convaincre que son ambition va bien au-delà du divertissement : la musicalité caribéenne est rattrapée par la densité inquiétante des machines sournoisement tordues qui infiltrent l’atmosphère ensoleillée. C’est bien dans ces instants-là qu’il faut trouver l’urgence citée précédemment : dans la nostalgie des paroles d’Au Cinéma, de Cinecitta, le manifeste ironique de l’Orientologue (l’écouter, c’est se condamner à la répéter à journée entière), ou celui radicalement poétique Scutigères Flamboyantes vs Rats De Bureau, titre sur lequel le groupe parvient à maintenir sa furie dansante sur une transe binaire, cette fois.

Le quatuor ne pouvait trouver titre plus approprié que Le Feu Au Lac : paradoxale et imagée, trop entendue, on connaît si parfaitement la formule qu’on n’en cherche plus le sens. Chocolat Billy s’arrête, regarde, interroge, appelle toutes les musiques du monde pourvu qu’elles nous remuent, puis pointe du doigt tous les plaisirs qui constituent notre quotidien mais que nous avons arrêté de voir. Ce n’est pas de l’anecdote, c’est essentiel. Reprendre sa vie en main est un acte joyeux. L’été sera beau.

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A ECOUTER EN PRIORITE
Au Cinéma, Watch Out, L’Orientologue, JE Danse Dans Le Noir, Contre Toute Attente

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