Chelsea Wolfe – ‘She Reaches Out to She Reaches Out to She’

Album / Loma Vista / 09.02.2024
Dark wave

Chelsea Wolfe a connu une décennie 2010 particulièrement prolifique, trop peut-être, durant laquelle l’artiste underground est devenue déesse gothique, figure des grands festivals métal, prêtresse des ténèbres arpentant les dédales de la psyché humaine au fil de sept albums faits de compositions toujours plus puissantes. Derrière le personnage, une femme que ces années ont laissé exténuée aussi physiquement que mentalement et qui, cinq ans après Birth of Violence, vient faire le point et marquer un nouveau départ avec un nouveau label, Loma Vista, et un nouveau producteur, Dave Sitek (TV On the Radio). She Reaches Out to She Reaches Out to She évoque autant les schémas qui se répètent que la volonté d’en sortir.

Pourtant, en ouverture, Whispers in the Echoes Chamber happe instantanément l’auditoire pour le renvoyer dans le passé. Chelsea Wolfe susurre sous les frappes de batterie avant de flotter dans un magma sonore qui finit par prendre une ampleur cauchemardesque. Les compositions métalliques évoluent vers quelque chose de très synthétique qui se rapprocherait de la dark ou cold wave. Ainsi, le douloureux Everything Turns Blue s’élève au-dessus des relations toxiques et évoque autant la nécessité d’en sortir que le grand vide qu’elles laissent derrière elles. Curieusement, Tunnel Lights rappelle Portishead, à la différence que le cabaret dans lequel chantait Beth Gibbons serait ici peuplé de machines et d’animaux nocturnes. Ce titre aborde un besoin de reprendre les rênes d’une vie qui, pour l’artiste californienne, est passée par l’arrêt de l’alcool. Ces thèmes sont dramatiques mais rappellent surtout que l’après a beau être un inconnu effrayant, il faut pourtant s’y jeter. Cet état d’entre-deux est incarné ici par la balade fragile qu’est The Liminal.

On souhaite évidemment à la femme derrière l’artiste de passer le cap mais, excepté lors du solennel The Unseen World, on ne sent pas pas toujours l’impulsion nécéssaire dans les compositions, surtout au sein de celles trop plates ou peinant à prendre de l’ampleur. Sûrement que le processus prend du temps, que la Place in the Sun – qu’elle chante sur le seul piano du fidèle Ben Chisholm – ne se trouve pas du jour au lendemain après des temps de ténèbres. Dans She Reaches Out to She Reaches Out to She, le message est finalement plus important que la musique. Emma Ruth Rundle ayant elle aussi évoqué les relations toxiques et l’alcoolisme dans le cathartique Engine of Hell en 2021, on espère que ces travers ne sont pas le lot de toutes les artistes féminines et que la joie viendra, quitte à tuer le personnage au profit de l’humain.