Chapelier Fou – « Invisible »

Chapelier Fou – « Invisible »

chap180Album
(Ici d’Ailleurs)
26/03/2012
Electro acoustique

Peu d’artistes de l’âge de Louis Warynski – qui plus est, français –  peuvent se vanter d’avoir fait le tour du monde pour offrir à différents pays un live magique en solo, à base de synthés vintage, guitare, sampler et avant tout violon, son instrument de prédilection qu’il manipule aussi facilement qu’il fait ses lacets. Virtuose avant l’heure, ce rejeton du conservatoire qui fait cocu Bach et Mozart pour fricoter avec les machines s’est fait connaître avec une trilogie d’EPs remarquables et un seul album qui n’a fait que confirmer son savoir-faire.Conte électro-acoustique à la fois naïf, complexe et enchanteur, « 613 » révélait un gros travail d’écriture et de recherches imagées par une musique évoluant tout en superpositions, avec une précision de tireur à l’arc.

Mais nous ne sommes pas là uniquement pour lui tresser des lauriers, puisque son nouvel album dérange. Pas de suite logique appelée « 614 » donc, mais un « Invisible » bien plus expérimental, au risque de perdre (déjà) ses premiers fans. Avec un opus qui se prend beaucoup plus au sérieux, comme s’il avait troqué son béret et son polo contre un haut-de-forme et un costume queue de pie, Le Chapelier Fou en trouvera d’autres. C’est certain. Le mystérieux « Shunde’s Bronx » sert de wagon de tête à ces neuf titres qui ne perdront jamais ce caractère cinématographique présent dans l’air dès les premières secondes. Il est vrai qu’un grand écran et des images peuvent manquer à ces pièces parfois abstraites et toujours contemplatives comme le sont « Le Tricot » ou l’opéra instrumental « L’Eau qui Dort ».

Avec « Fritz Lang », le jeune multi-instrumentiste fait un hommage masqué et tire son chapeau à l’un des maîtres de la fiction en noir et blanc – libre à lui de nous en expliquer le sens musical – dans une ambiance rétro-futuriste, où classique pur et electronica finissent par danser la valse à cloche-pied. Presque théâtral, le violon de « Cyclope & Othello » fait sa tirade sur de discrets cliquetis, et le morceau joue au morphing sur neuf minutes pour terminer sur une atmosphère psychédélique à la Pink Floyd. Grâce à leur structure démantelée et leurs textures en relief, « Protest » et « P Magister » se placent tant bien que mal parmi les titres les plus accessibles de l’album, sans doute parce qu’ils semblent hantés par le spectre de « 613 ».

Deux invités vocaux se manifestent, à commencer par Gerald Kurdian qui fait couler sa voix bancale sur une ballade seventies aux harmonies difficilement perceptibles, puis Matt Elliott (son compagnon au sein de Third Eye Foundation) qui donne un point final délicieusement narcotique. Derrière ce concept de pochette interchangeable se cache peut être une réelle question de point de vue, cette perception aléatoire que l’on peut avoir sur sa musique qui, selon l’endroit où l’on se place, prendra la forme de grands paysages mélodiques ou celle de huis-clos monocordes. Un disque à double-tranchant qui, de manière anecdotique, marque néanmoins avec classe et intelligence les quinze ans du label Ici d’Ailleurs.

En écoute


1 Commentaire
  • Noodles
    Posté à 22:32h, 02 avril Répondre

    Heu… Matt Elliott « compagnon » de Chapelier Fou au sein de 3EF ??!

    C’est plutôt ce dernier qui l’a rejoint sur quelques dates récentes…

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