
23 Avr 25 Chafouin – ‘Tout Ce Qui Reste’
Album / Epicericord / 01.04.2025
Kraut Noise Math Rock
Les politiciens et politiciennes aux dents qui rayent le parquet – du style Christelle Morançais dans les Pays de la Loire – ont beau viser avec leurs flingues démagos et opportunistes un monde culturel soit disant ‘shooté à la subvention publique’, il existe depuis longtemps en France une scène underground qui a appris par elle-même comment proposer des formes d’art toujours plus aventureuses avec les moyens du bord, le tout en démontrant une passion intacte pour la chose – même quand en vivre convenablement tient de la gageure. Dans ce contexte, on pardonnera aisément à Chafouin d’avoir, sciemment ou non, harcelé à peu près la moitié de notre rédaction par messages privés afin de nous informer de la sortie de son nouvel album, Tout ce qui reste. Et ce, avec un grand sourire en prime. Tout le monde n’a pas les relais médiatiques d’une vieille bourgeoise admiratrice de techno-fascisme à la Elon Musk.
La dernière fois que l’on vous avait donné des nouvelles du groupe – collectif dada kraut-expérimental-noise-rock à géométrie variable incluant des membres de Brötchen des Todes, Marylin Rambo ou Llamame La Muerte, ici rassemblés autour d’une mystérieuse figure connue sous le nom de L’Austral – c’était pour Toufoulcan en 2021. Un disque qui arpentait avec un plaisir non feint le territoire de la chanson à texte, histoire de mieux dynamiter ses codes très français et faire passer en contrebande un apanage de textures à la The Ex par la même occasion. Entre temps, L’Austral, seul ou accompagné par des membres de sa bande, a eu l’occasion de creuser son obsession pour les compositeurs post-minimalistes à la Steve Reich dans plusieurs albums – ajoutant même sa propre version du légendaire In C de Terry Riley à toutes celles déjà enregistrées jusqu’ici. Un ambitieux pari, réussi haut la main. Signe d’une époque encourageant moins la franche déconnade, peut-être, l’aimable second degré de Toufoulcan semble donc avoir été remis au placard depuis quelques temps déjà.
Il ne revient d’ailleurs pas beaucoup montrer le bout de son nez dans Tout ce qui Reste, si ce n’est par l’entremise de La Fin du Disco et de ses uniques chœurs (sans paroles) au sein d’un album par ailleurs 100% instrumental, rempli à bloc de (dé)mesures très math rock dans l’âme. Une fin du disco où l’expression ‘four on the floor’ pourrait donc tout aussi bien évoquer une biture post veillée funèbre qui vous fait finir la soirée les quatre pattes par terre (voir les six, vu la rythmique utilisée) que le groove janséniste d’un quatuor à la Fugazi, avec quelques cotillons synthétiques en prime. Ailleurs, dans Facteur d’Amortissement par exemple, Chafouin insère avec une discrétion aussi élégante que futée ses récentes explorations post-minimalistes dans un bouillonnant canevas à la Tortoise, riche en empilements harmoniques qui font mouche. Ou encore saupoudre une pointe de sons steel drums sur Calibres à Répétition Multiple, qui ravira sans doute les amateurs de décalages soniques à la Rank-O. Quant à Pratique de l’Aïkido du Cœur, qui conclue le réjouissant programme, il déroule une magnifique intensité de sa première à sa dernière seconde, donnant envie de découvrir ce que L’Austral et ses compères sont capables de faire sur scène avec un tel répertoire.
Le memento mori qui orne la pochette de Tout ce qui Reste a donc beau mettre la pédale douce sur les rigolades d’autrefois, le disque qui l’accompagne reste une proposition énergique, vivifiante et habitée, avec son lot de moments de bravoure. On comprend mieux pourquoi le collectif officiellement situé à Brest était si pressé de faire connaître ce recentrage finalement assez rock au sein de son imprévisible artisanat. Les bretons étant têtus, il vaut mieux les avoir avec soi que contre soi, de toute manière. Surtout quand ils nomment un interlude Ode à la Mort d’un Fasciste, et qu’ils mettent ensuite les points sur les i dans les notes pour l’album en lançant un bon vieux ‘Fuck fascism’ à la cantonade. La Bretagne peut bien récupérer Nantes si elle veut, tant qu’elle en profite pour déposer la Christelle au milieu de la pampa avec rien sur elle au passage, on ne pourra qu’applaudir ses habitants les plus forcenés.
A ECOUTER EN PRIORITE
Facteur d’amortissement, La fin du disco, Pratique de l’aïkido du cœur
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