Catherine Graindorge – ‘Songs For The Dead’

Catherine Graindorge – ‘Songs For The Dead’

Album / Tak:til / 26.04.2024
Post rock

La violoniste et compositrice belge Catherine Graindorge, beaucoup trop méconnue en France malgré un CV et une inspiration à faire pâlir nombre de musiciens, devrait enfin trouver, en solo, avec Songs For The Dead, toute la lumière qu’elle mérite. Ce concept album aux accents psychédéliques, cinématographiques, faussement gothique, impeccablement mené, est d’une densité rare. La musicienne  réussit le tour de force de convier autour d’un fabuleux travail sur son instrument fétiche, autant de légèreté que d’absolue noirceur.

On a tous très certainement entendu et aimé des albums pour lesquels Catherine Graindorge a collaboré, des films dont elle signe la B.O. Sa curiosité l’a amenée à côtoyer Warren Ellis et Nick Cave, Debbie Harry, Mark Lanegan, John Parish, Hugo Race, Andrea Schroeder, Pascal Humbert et Bertrand Cantat, Yann Tiersen, Iggy Pop… Un inventaire à la Prévert qui ne sert qu’à comprendre comment toutes ces rencontres ont nourri et densifié son talent.

Là où d’excellentes violonistes, comme Jessica Moss, ont creusé obstinément le sillon des expérimentations, Catherine Graindorge a le souci de la narration, une tentation théâtrale, et ainsi  le travail de drone, d’échantillonnage, de glitchs qui traverse Songs For The Dead est au service d’une réflexion évolutive sur la fragilité et la mort aux ambitions pop marquées. Pas étonnant alors d’entendre que le titre mis en avant, Orpheus’ Head – avec la voix envoûtante de Simon Huw Jones rappelant celle blues-funk de Franklin James Fisher (Algiers) – sonne presque jazz-pop sur des sonorités portées, étonnamment, par un piano.

Malgré cette ‘exception’, l’album reste essentiellement méditatif. On y trouve l’écho des voyages au long cours d’Oiseaux-Tempête, sombre mais jamais désespéré, les distorsions apportant ici plus d’émotions cristallines que d’effroi. C’est une immense réussite d’avoir ainsi transfiguré la tristesse et la sidération en mélancolie aérienne (This Is A Dream, Where The Buzzards Fly), la poésie sombre de Ginsberg en élégie métaphysique. Songs For The Dead est en effet, et avant tout, l’adaptation d’un poème du poète beat Allen Ginsberg. Le projet initial de Catherine Graindorge était la production d’un spectacle pour les Nuits Botaniques, l’envie de parler de poésie, d’amour, de vie et de mort, de la fragilité de nos existences, voire leur absurdité. 

Appuyé au mythe d’Orphée et Eurydice, on y côtoie d’autres morts violentes et consternantes (Joan parle de Joan Vollmer, la femme de William Burrough), et Catherine Graindorge détourne les mythes, les instruments (violon, harmonium indien), les voix épaisses et distanciées des conteurs ou de bacchantes pour recomposer un univers puissamment cinématographique (Euridyce, The Unvisited Garden ne sont pas sans évoquer les BO de Shigeru Umebayashi). Petits climax d’intensité dramatique, Small Trees et This Is A Dream sont les exemples parfaits, l’un chanté, l’autre instrumental, de cet équilibre entre le drone inquiétant, voire douloureux, et la spatialisation aérienne. 

Sur les huit titres que contient Songs For The Dead, la tension ne retombe jamais. C’est un travail de funambule prodigieux qui nous mène sans répit jusqu’aux dernières notes de Time Is Broken. Catherine Graindorge nous embarque avec virtuosité et élégance à travers le récit du plus vieux mystère au monde, et dans cet abîme, toutes les âmes croisées sont magnifiques.

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A ECOUTER EN PRIORITE
Small Trees, Orpheus’Head, Joan, Time Is Broken

EN CONCERT

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