Cat Power – ‘Covers’

Cat Power – ‘Covers’

Album / Domino / 14.01.2022
Reprises

Chan Marshall pose des albums de reprises comme des mètres étalons de son évolution musicale depuis plus de vingt ans. Au tournant du siècle, alors qu’elle était au point culminant de la mélancolie musicale, il y a eu The Covers Record : des reprises décharnées de tout arrangement, réduites à leurs émotions pures, chantées par une artiste sur la corde raide, et dont l’extrême beauté avait pour prix les montagnes russes psychologiques de leur interprète. Suite au succès planétaire de The Greatest, il y eut ensuite le très décevant Jukebox, enregistrement d’une chanteuse en perte de repères, devenue phénomène de société et fashion victim cherchant à se réinventer vocalement dans des errances R’n’B peu convaincantes. Dernier jalon aussi sobre que son titre, Covers fait suite à Wanderer, dernier album studio de Cat Power qui marquait un retour timoré aux sources folk de l’américaine.

La cover, justement, avait de quoi inquiéter ici : une chemise en jean, un passeport, un crayon, une typo tristement basique… Rien de très prometteur en somme. Pourtant, dès l’écoute de Bad Religion, la magie opère. Reprendre le titre introspectif de Frank Ocean en le faisant sien n’était pas chose aisée, et Chan Marshall en profite pour étendre à raison la critique de la soumission des religions monothéistes, l’Islam chez le jeune homme devenant le Christianisme dans ses paroles à elle. Sauf à reconnaitre les lyrics, il n’est pas évident d’identifier le titre original tant Cat Power a la capacité de faire de ses covers des titres que l’on pourrait penser écrits par elle.

Comme pour brouiller les pistes dans ce sens, elle se revisite elle-même sur Unhate – négatif du Hate écrit en 2006 – aussi touchant que l’original au titre inspiré par Cobain. Comme un symbole d’acceptation de soi, et un clin d’oeil à la durée du processus : quinze années pour passer de la haine de soi à son affranchissement. Les arrangements sont épurés, et on sent Cat Power en leader de groupe, peut-être pour la première fois depuis The Greatest. Ici, Chan Marshall s’entoure – notamment d’Adeline Fargier que l’on a pu croiser chez H-Burns et Troy Von Balthazar – et l’ensemble des orchestrations, aussi simple qu’efficace, donne envie de voir ce que cela donne en live.

Finalement, cette pochette qui affichait une telle neutralité avait peut-être pour but de souligner que l’important était ailleurs. Loin des utilisations Ad Nauseam de l’artiste en égérie de mode, seule la musique semble compter ici, qu’elle reprenne Lana Del Rey (le très beau White Mustang), Dead Man’s Bone (Pa Pa Power), Nick Cave (I Had A Dream Joe), Iggy Pop (Endless Sea), ou le tragique I’ll Be Seeing You de Billie Holliday prenant des teintes d’hommage à son ami producteur et musicien Philippe Zdar, disparu en 2019.

Totalement imprégné de son univers, Covers donne l’impression d’écouter un  nouvel album de compositions originales de Cat Power, et s’inscrit comme son meilleur depuis bien longtemps. Seul bémol, These Days souffre de la comparaison avec son original, mis en regard de l’interprétation de Nico sur Chelsea Girls. Mais ce serait faire la fine bouche que de s’y attarder tant ce Covers nous charme écoute après écoute, et renoue notre profonde admiration pour cette artiste qui a marqué par son esthétique tout un pan de la folk et de l’indie contemporaine.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Bad Religion, Unhate, Against The Wind, I’ll Be Seing You

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