
24 Août 22 Cass McCombs – ‘Heartmind’
Album / Anti / 19.08.2022
Folk rock
L’ombre qui cède le terrain à la lumière, une étendue d’eau calme et scintillante, une barque à la dérive dont la dégradation semble amorcée… À moins que ça ne soit l’inverse, ou un peu de tout ça et d’autres choses à la fois, selon une combinaison renouvelée à chaque regard. Cass McCombs se gardera bien de donner son explication sur la photographie qui fait figure de pochette de son dixième album, lui qui applique depuis ses débuts la même tendance secrète et ambiguë à ses chansons.
Nourri par la perte récente d’amis proches et par son expérience d’homme et de musicien de 44 ans, il livre avec Heartmind un album comptant parmi ses plus riches et inspirés. La subtilité qui le caractérise l’a cette fois-ci mené sur un terrain de jeu multi genre, où l’ambiance mélancolique habituelle se décline en plusieurs exercices de styles. On navigue du plus léger et exotique (Krakatau), à l’improvisation méditative d’inspiration jazz sur le titre éponyme. New Earth emprunte au compatriote Michael Nau sa sautillante simplicité, tout en parvenant à capturer la fragilité de ces trop rares instants où on se sent détaché du passé et encore insouciant de l’avenir. Mais la poussiéreuse ballade country qu’est Unproud Warrior nous ramène au sol, en tant que pilier narratif du disque où McCombs, épaulé par les chanteurs Wynonna Judd et Charlie Burnham, se fait le conteur des pensées d’un soldat de retour dans le monde civil, habité désormais par de profonds sentiments de décalage et de regret.
Voilà déjà vingt ans que le songwriter solitaire rôde dans les territoires de la musique à guitare américaine en ne cessant d’affiner son art. A la manière de ses albums les moins immédiats (Wit’s End en tête), chacun des huits titres de Heartmind se décline autour d’une idée directrice rythmique et/ou mélodique. Dès les premières écoutes, ce soin porté à la répétition d’un même thème incite l’auditeur habitué au personnage aussi bien que le mélomane curieux à en gratter le vernis pour s’approprier les discrets arrangements dont l’Américain a parsemé ses chansons. Il y a tout à y gagner : cette poignée de notes qui cristallise le riff corrosif des refrains de Music is Blue, l’émotion avec laquelle est chantée la phrase ‘Take it from me now’ de Krakatau, ou encore le groove reggae des percussions de Danielle Haim dans Belong to Heaven – autant de détails parmi d’autres qui font que chacun vivra ces huit morceaux selon les couleurs de ses propres photographies mentales d’un temps révolu ou rêvé. Traçant encore et toujours sa route en marge de ses contemporains, Cass McCombs fait de son propre cheminement d’être humain une œuvre sincère et cependant suffisamment vaporeuse pour rester ouverte à celui qui voudra s’y réfugier comme chez lui.
A ECOUTER EN PRIORITE
New Earth, Karaoke, Belong to Heaven
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