Caroline – ‘Caroline’

Caroline – ‘Caroline’

Album / Rough Trade / 25.02.2022
Post folk expérimental

Caroline est un combo de huit musiciens anglais qui, depuis 2017, jouent les ethno-musicologues en multipliant les captations de leurs instruments dans les lieux les plus incongrus pour profiter idéalement des effets de spatialisation. Pas étonnant que leur intriguant premier album, aux cordes aussi baroques que folk et urbaines, peine à trouver une forme précise, et ressemble par moments à une compilation obstinée et fascinante d’archives sonores.

Pour comprendre Caroline, il faut peut-être préalablement percer le mystère de sa signature chez Rough Trade, un label qui nous a habitués ces dernières années à livrer des albums et des groupes musclés (Amyl and The Sniffers, Sleaford Mods, Parquet Courts ou Black Midi), et qui interpelle en ajoutant à son catalogue cet ovni qu’on pourrait qualifier de post-folk. On imaginerait plus volontiers le groupe chez Constellation et sa myriade d’expérimentateurs fans de sons plus que de tubes. Les compositions de Caroline ont en effet une évidente parenté avec le post-rock élémentaire ou expérimental de Siskiyou, Jason Sharp ou Jessica Moss.

Mais là réside peut-être le malentendu. Caroline chez Rough Trade, cela signifie qu’il faut l’écouter avec d’autres références, en premier lieu Black Midi et Black Country New Road qui, comme eux, sont composés (d’intellos ?) de multi-instrumentistes venus pour certains du classique, pas avares de superpositions de couches sonores, de fractures, de dissonances. Avec ce filtre-là, les références s’orientent alors tout naturellement vers celui qui fut à l’origine de cette vague, savante et contemplative : Mark Hollis.

Caroline est un bref album, ou un long EP de six vrais titres, dépassant largement les cinq minutes, rendus parfois longuets par l’austérité de leur développement (Engine, Skydiving Onto The Library Roof), entrecoupés de virgules très structurantes. Dark Blue ouvre l’ensemble de manière assez classique avec un beau crescendo de cordes brodées autour d’une rythmique propre, s’épanchant ensuite naturellement au fil des minutes. Good Morning révèle, au moins dans les premières minutes, une autre référence assumée du groupe : la folk ‘appalachienne’ avec de longues nappes de violons étirant le motif des  guitares. Puis ça craque : éclats de voix répétés, disparition de la mélodie et affleurements d’accords dissonants dans un écho très étudié. 

Il n’a fallu que deux titres à Caroline pour faire voler en éclat une tentative de formatage pop. Le premier intermède, Desperately, nous plonge dans le 17è siècle de Purcell, puis IWR – sorte de lamento susurré – progresse avec une grande délicatesse au gré des instruments qui entrent progressivement dans la mélodie. La magie opère. On reste sans voix. S’ensuit Messen #7, bref exercice de style pour guitare désaccordée et caisse de résonance, qui marque le début d’un délitement réel de l’album, car si Engine (Eavesdropping) fait encore illusion, son âpreté et ses silences rappelant ceux de Mount Eerie, la suite nous laisse à quai.

Les intermèdes Hurtle et Zilch apportent peu à l’ensemble, le dernier soulignant plus que nécessaire la faiblesse du contenu de Skydiving Onto The Library Roof, et Natural Death qui clôt l’ensemble ne parvient pas à retrouver le souffle et l’homogénéité du début. On sort frustré de l’expérience, ni réellement déçu, ni franchement enthousiaste, mais Caroline conserve malgré tout, au fil des écoutes, un fort pouvoir de fascination, comme seuls les voyages hors des sentiers battus savent nous en procurer.

VIDEO
ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Dark Blue, Good Morning, IWR, Natural Death


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