Carla Dal Forno – ‘Look Up Sharp’

Album / Kallista / 04.10.2019
Synth pop

Il y a dans la musique de Carla Dal Forno des effluves de grisailles, un lourd brouillard qui ne se lève jamais tout à fait, car c’est bien là qu’il faut aller chercher toutes les nuances que l’australienne développe depuis ses débuts solo. Détachée du label Blackest Ever Black et désormais établie à Londres après un passage à Berlin, c’est sur sa propre structure – Kallista Records – que sort son deuxième album solo en cette fin d’année.

Look Up Sharp reprend les choses où The Garden, son dernier EP, s’était arrêté, dans un entrelacs de notes qu’on imagine effleurées tant tout semble à sa place ici. Chaque morceau apporte un voile nouveau sur ce chapitre qui évoque les affres d’une transition géographique, entre perte de repères et questionnements intimistes. Dans ce flux de rencontres et de bouleversements, Carla Dal Forno développe une langueur automnale qui s’épanouit sur la lente ligne de basse comme le texte revanchard de So Much Better, les instrumentaux mélancoliques de Hype Sleep et Leaving For Japan, ou l’incantation oscillante de Don’t Follow Me, agissant comme un avertissement qu’il faut suivre à tout prix. 

Plus varié que ses prédécesseurs, Look Up Sharp conserve néanmoins cette chape parfois imperceptible qui fait toute l’identité de Carla Dal Forno. Malgré les écoutes répétées, sa musique conserve son aspect insaisissable. On a l’impression que l’essentiel se joue ailleurs, dans les failles et les crevasses disséminées ici et là par touches subtiles, qui agissent comme de faibles repères dans notre expérience d’écoute.

Des relents de dub, des contorsions trip hop, du post-punk sous Xanax… Autant d’influences que l’australienne fait siennes à mesure que ces éléments se complètent au sein d’un tableau envoûtant, installant en nous des sentiments cotonneux et des atmosphères évanescentes. Composer l’indicible, raconter l’étrange pour finalement s’y perdre : voilà en creux l’intrigante invitation que Carla Dal Forno propose à chaque album. A l’écoute de Look Up Sharp, on ne se sent pas de décliner.