06 Sep 10 Camu Tao – « Kings Of Hearts »
Album
(Def Jux / Fat Possum)
13/09/2010
Hip pop posthume
Il y a un peu plus de deux ans, à l’âge de 31 ans, Camu Tao succombait d’un cancer du poumon. Avant cela, il s’était fait remarquer au sein de différents projets, de SA Smash à Central Services, en passant par The Weathermen et Mhz. C’est ainsi, et sans jamais avoir sorti un seul album solo, que ce MC/producteur américain s’est construit une solide réputation dont tout le monde attendait enfin la confirmation. Comme toujours avec les artistes partis trop tôt, la sortie de ce « King Of Hearts » suscitera forcément quelques regrets, même s’il parvient enfin à mettre en lumière le talent d’un artiste trop souvent dans l’ombre, et doté d’un flair incontestable. La preuve: s’il avait sorti cet album de son vivant, Camu Tao aurait ni plus ni moins montré la voie aux succès planétaires de Kanye West et Kid Cudi, deux stars du hip hop qui, comme lui ici, n’ont pas hésité à saupoudrer leur registre de mélodies pop. D’une certaine manière, le regretté était un avant-gardiste, de ceux qui payent les pots cassés de l’innovation pour que leurs expérimentations deviennent finalement légions au profit des autres.
Ainsi, tout au long de cet album aux titres généralement courts et pêchus, on l’entend rapper (« Ind Of The Worl », « Major Team »), mais surtout chanter. Avec beaucoup d’assurance et en assumant définitivement sa démarche, il propulse son hip hop dans des travées pop (« Death », « Fonny Valentine », Play O Run »), rock quand il donne généreusement dans la guitare électrique (« Be a Big Girl », « Plot a Little »), ou parfois plus uptempo encore (« When You’re Going Down »). De quoi paraître un poil has been à l’heure ou le genre se cherche plutôt une nouvelle tendance, mais jamais Camu Tao ne donne ici l’impression d’arriver avec un train de retard. Mieux, il redonne envie. Plus encore en sachant que la Vie ne lui a pas laissé le temps d’achever son oeuvre. C’est pourquoi, on croise à ce tracklisting quelques titres comme laissés en chantier: « Bird Flu » dénué de couplet qui flirte avec Outkast, « Actin a Ass » et « Intervention » trop courts pour qu’on les pense terminés, ou le final « Fuck Me » dont on parierait qu’il n’était pas destiné à n’être qu’un acappella.
Il y a donc forcément de quoi regretter Camu Tao à l’écoute de cet album. Preuves en sont les quelques morceaux passables car un peu plats (« Get At You », « King Of Hearts », « The Perfect Plan ») croisés au fur et à mesure qu’on s’avance dans ce qui n’est finalement que le croquis d’un opus qui partait pourtant sur de bons rails. On ne refera pas l’histoire, pas plus que El-P – initiateur de cette sortie posthume – qui ne pouvait avoir de meilleurs mots pour remettre les choses dans leur contexte: « Nous espérions tous que Camu puisse retourner en studio pour approfondir ce disque comme il le souhaitait (…). Le connaissant, il avait beaucoup de musiciens talentueux dans son entourage qu’il aurait souhaité faire participer à ce disque. Je pense que cet album aurait été différent s’il avait eu le temps de le compléter« . Voilà qui fait peu de doute mais qui restera toujours une hypothèse.
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