Buck Meek – ‘Haunted Mountain’

Album / 4AD / 25.08.2023
Folk

Avec, au compteur, trois albums solo puis cinq (officiels) avec Big Thief, tous sortis en moins de sept ans, Buck Meek est incontestablement un artiste prolifique. Chez lui, la musique coule de source, en flux permanent, chaque tournée amenant son lot de nouvelles écritures et s’enchaînant avec des sessions d’enregistrement auxquelles succèdent en ritournelle les séries de concerts.

Prolifique, mais jamais prolixe car arriver à composer autant de chansons est en soi une compétence étonnante, mais ciseler avec cette douceur et cette aisance la cuvée biennale de titres relève du génie. En cela, ses albums sont à mille lieues des classiques side-projects folk des guitaristes de groupes en vue. Ils constituent bien plus qu’un document sur le caractère quadricéphale de Big Thief, probablement la formation indie la plus riche du moment. Buck Meek est un songwriter de premier plan, et Haunted Mountain vient confirmer ce que ses deux prédécesseurs laissaient entrevoir.

Dès l’inaugural Mood Ring et ses modulations pleines d’ivresse donnant au morceau une assise fragile, chancelante, propre à l’écriture du Texan d’origine, on pénètre dans un univers frontalier inconnu mais rassurant, sur un fil entre marginalité et classicisme. Les titres se succèdent, comme poussés les uns les autres par l’air frais qu’ils font souffler. Un air de cimes, puisqu’il est beaucoup question d’altitude sur Haunted Mountain, et on est peu surpris que les hauteurs conviennent au songwriter tant un caractère planant voile ses chansons aussi suaves qu’enlevées. Cyclades en est peut être le meilleur exemple ici alors qu’Alexander Buckley Meek – de son vrai nom – y aligne les anecdotes dramatiques sur un air enjoué, dans des décors de Grèce ou des forêts de l’Oregon. Mais quand bien même Haunted Mountain a été écrit dans une multitudes de montagnes, du Portugal aux Alpes Suisses, des Cyclades aux Traverse Range de Californie, l’identité qui se dégage de ces onze titres transpire totalement l’Amérique, celle des guitares et de leurs soli, ici souvent désarticulés, vacillants, vulnérables jusqu’à devenir sa marque de fabrique.

De Haunted Mountain à Lagrimas, en passant par Undae Dunes et Paradise, Buck Meek alterne donc ici ballades entraînantes aux rythmiques brillamment soulignées par la production et chansons folk plus traditionnelles. Chez les unes comme chez les autres, une constante : privilégier l’authenticité à la perfection, et faire voyager l’auditeur jusque dans l’intimité du groupe, dans ce studio où chaque morceau a été enregistré dans des conditions live. Parce qu’on ne triche pas chez Buck Meek, on joue comme on est. Un phénomène de plus en plus paranormal lui aussi.