Buck 65 – ‘Super Dope’

Buck 65 – ‘Super Dope’

Album / Autoproduit / 05.05.2023
Hip hop

Il n’y a pas deux parcours comme celui de Richard Terfry. En effet, à la fin des années 90, alors qu’Anticon et Def Jux se tiraient la bourre de chaque côté des Etats Unis pour proposer le meilleur du rap alternatif de l’époque, le canadien se distinguait au sein d’une scène qui ne manquait pourtant pas d’originalité. Une voix singulière, un flow qui l’était tout autant, des productions aux couleurs inédites, et une approche de la musique on ne peut plus libre construisaient déjà l’icône Buck 65, capable de vriller pop, blues, drum n’bass ou de se muer en crooner en un simple claquement de doigt. Logiquement, celui qu’on appelait alors le Tom Waits du hip hop ne tarda pas à attirer l’attention des majors, conscientes que la frange la plus indépendante et sans concession du genre soufflait un vent nouveau. En 2002, notre homme rejoignait donc Warner, voyait sa discographie mise à la disposition du plus grand nombre, et l’horizon se dégager pour mieux laisser libre cours à la moindre de ses inspirations, de plus en plus éloignées de ce hip hop dans lequel il finissait alors par ne plus se reconnaitre.

Dès lors, dans la foulée de l’excellent Talkin’ Honky Blues (2003), le natif d’Halifax ne se mit plus aucune barrière : Secret House Against The World (2005) s’ouvrait ouvertement au rock, Situation (2007) offrait la vision la plus large possible de son spectre d’influences, avant que 20 Odd Years (2011) laisse entrevoir comme une crise existentielle chez un Buck 65 tiraillé entre une forte éthique difficile à tordre et des velléités commerciales qu’il ne pouvait plus contenir, au point de les rendre beaucoup trop flagrantes en 2014 avec un Neverlove qui finit de déboussoler les fans, même les plus conciliants. Dès lors, ne plus croiser Richard Terfry dans les colonnes de l’actualité musicale relevait d’une logique implacable, le bonhomme s’étant comme brulé les ailes à trop vouloir attirer la lumière.

Il aura donc fallu attendre 2020 et une collaboration avec Controller 7 pour l’entendre se réconcilier avec le hip hop qui l’a élevé au rang de légende de l’indie urbain : un statut qu’il revient défendre bec et ongles, un an après avoir rassuré son monde avec un King of Drums aussi confidentiel que prometteur. Désormais, Buck 65 dit avancer en pleine confiance, avoir définitivement trouvé sa place et s’y sentir à son aise : des sentiments palpables tout au long de Super Dope, nouvelle salve d’une efficacité, d’une intensité, et d’une fraicheur redoutables l’inscrivant dans la suite logique de son prédécesseur.

Entièrement produite par ses soins, avec les humbles moyens du bord, ce nouvel album – dont il assure également les scratches – plonge tête la première et sans complexe dans le hip hop d’avant, celui de Run DMC et des Beastie Boys de l’époque Licensed to Ill (Super Dope, Train Music Overthrow The Surface), celui ou le jazz-funk n’est jamais très loin (Turf Rider), ou l’esprit est à la fête (Passport to Infinity). Comme des échos des débuts de Buck 65, les moments les plus sombres de ce Super Dope rappellent aussi les coups d’éclat de Rawkus (Evil God piocherait presque dans le Simon Says de Pharoahe Monch) ou de Stones Throw (Breach The Wall of Smoke et son air de Quasimoto), quand le genre savait se faire tubesque à la force d’un seul sample tout en respectant ses basiques (Challenge to the Underground).

Trente ans exactement après la sortie de son premier album, Buck 65 fait preuve ici d’une maitrise totale de son flow, comme s’il avait sculpté le moindre morceau de ce Super Dope dans son propre ADN. Jamais mieux servi que par lui-même, ce vétéran du hip hop étale là son savoir, sa culture, cette confiance nouvelle, comme cet incommensurable plaisir qu’il a manifestement pris à renouer avec ses premiers amours, en se débarrassant de toute arrière pensée parasite pour clairement signer l’un des tous meilleurs chapitres de son immense discographie. Et alors que le hip hop fête cette année son cinquantième anniversaire, Terfry ne pouvait lui exprimer plus grand amour en réveillant d’un coup tous les fantômes du siècle dernier.

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A ECOUTER EN PRIORITE
Challenge to the Underground, Super Dope, Evil God, Overthrow The Surface, Shoot The Invader


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