Brutus – ‘Unison Life’

Brutus – ‘Unison Life’

Album / Sargent House / 21.10.2022
Post punk hardcore

À une époque où le streaming est progressivement devenu roi, au profit surtout de businessmen ayant su faire preuve d’innovation (ou d’opportunisme), deux constats éthiquement opposés ressortent. D’un côté, il n’a jamais été aussi facile d’écouter n’importe quel morceau de n’importe quel artiste, ou presque – Failure, par exemple, a récemment décidé de retirer toute sa discographie de Spotify. De l’autre, l’ultra majorité de ces mêmes musiciens n’a peut-être jamais été aussi mal rémunérée. Tout travail mérite salaire m’avait-on pourtant toujours dit…

En parallèle, avec la démocratisation progressive des outils numériques, mettre en boîte de la musique n’a probablement jamais été aussi accessible au plus grand nombre, que l’on soit amateur ou semi-professionnel. De nouveaux morceaux, il s’en met ainsi en ligne des dizaines de milliers chaque jour sur les plateformes digitales : sortir de la masse, y compris au sein de la scène indépendante, relève alors du plus grand défi. C’est pourtant bien ce qu’a réussi Brutus dès son excellent premier album Burst, en trouvant le moyen d’exploser les frontières entre genres musicaux. Chose confirmée avec son successeur, Nest, puis à présent avec Unison Life : l’ex-tribute band de Refused se plaît – consciemment ou non – à brouiller les pistes en agrégeant divers styles avec une facilité apparente toujours plus déconcertante.

Un peu à la manière de The Mars Volta au démarrage de De-Loused in the Comatorium, Miles Away, intro calme ponctuée de distorsions indus, annonce la tempête Brave qui, à lui seul, dépeint plutôt justement une partie de ce dont les belges sont capables : alternance up tempo punk hardcore / low tempo, riffs metal tirant vers Mastodon ou Russian Circles, et voix oscillant entre envoûtement façon Björk et timbre légèrement rocailleux – voire carrément rugueux – de Brody Dalle (The Distillers, Desert Sessions). Dans cette voix qui sait également tendre vers la fragilité d’Emma Ruth Rundle (Victoria) et varier en intensité et en émotions à la manière de Cedric Bixler (The Mars Volta, encore…), la batteuse Stefanie Mannaerts parvient toujours à injecter mélodie, énergie et bienveillance. Et cela, quand bien même sa propre existence semble être perturbée, comme dans Dust où phrasé hardcore et choix des mots (‘I am so tired / Of everyone that’s breathing down my neck‘) réaffirment ce sentiment d’engagement et d’urgence palpable tout au long du disque. Et alors que la basse semble vouloir se poser en gardien du temple punk (Liar) ou post-punk (Dreamlife), la guitare, généralement aérienne et massive, n’en finit pas de faire des détours toujours plus opportuns, entre vibratos typés surf rock ou westerns spaghetti (Dust), et trémolos black metal (Desert Rain).      

A l’heure donc où certains groupes – surtout du côté mainstream de la force – font le choix de se focaliser avant tout sur la composition de chansons plutôt que d’albums afin de se conformer au diktat des algorithmes, Brutus décide de nous offrir un nouvel opus – sans conteste, son meilleur – qui n’offrira tout son potentiel qu’aux mélomanes prenant le temps de l’écouter du début à la fin, du premier son de synthé aux derniers sons de guitare et de voix à l’unisson…      

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE

Miles Away, Brave, Victoria, Dust, Storm


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