06 Déc 22 Bracco – ‘Dromonia’
Album / Born Bad / 09.12.2022
Synth punk dark wave
On a appris le retour de Bracco alors que le clip du premier single Cobra music IV se dévoilait. Une créature grotesque et difforme, grossière représentation 3D argentée y danse en se désarticulant sur une rythmique qui n’aurait pas dépareillée en rave dans les 90’s. C’est du Madchester peut-être, mais sans l’espoir ni l’envie de faire la fête. Une soirée à l’Hacienda, pourquoi pas, mais plutôt au niveau de la cave. Post-punk, rock, électro, techno ? Jouant avec les étiquettes et les références, le duo ne se laisse pas cataloguer. S’il faut néanmoins s’accorder sur une chose, ce sera sans doute sur le fait qu’on tient ici la bande son d’un monde qui part en vrille. Voilà donc une musique parfaitement raccord avec l’époque.
Paradoxalement, Cobra Music IV n’est pas le morceau plus représentatif de ce que Bracco est devenu. Sur Grave, son premier album sorti en 2019 chez Le Turc Mécanique, le duo déployait une recette simple et imparable. Baptiste, chant et feulements, assurait, guitare sanglée court, des incursions de larsens et d’accords répétés jusqu’à ce que mort s’ensuive sur le fond électro-techno que tissait Loren à base de machines, synthés et batterie réduite à son plus simple appareil (toms et cymbales). On retrouve ces ingrédients et plus encore sur Dromonia, confié cette fois-ci aux bons soins de Born Bad. Il ne faut donc pas se fier à la seule écoute de ce morceau pour apprécier l’album dans son intégralité.
L’ADN du groupe – un son répétitif qui fait monter une transe traversée par des fulgurances, qu’il s’agisse de riffs, de cris ou de halètements – est bien présent. Mais, composé en résidence à La Station – Gare des Mines et enregistré au studio La Seine, Dromonia se démarque par une production un cran au-dessus. Le son est lourd et tendu à souhait, le travail de Marc Portheau impressionnant. A la manière de Martin Hannett – mythique producteur de Joy Division introduisant çà et là le son du monte-charge du studio, du bruit de verre brisé ou les vaporisations qui rythment She’s Lost Control – sa production met en valeur un fond sonore riche et des chœurs qui n’existaient pas chez Grave. Surtout, l’album bascule dans quelque chose de plus sombre et de plus oppressant avec des morceaux ralentis et étirés (plus de 5 minutes pour The Fall), une voix posée et entêtante, parfois chuchotée. La guitare peut même parfois s’effacer au profit du chant, comme ce ‘you’re so lonely and lost‘ proféré comme un mantra tout au long de Carter pour mieux traduire cette tension.
Au petit jeu des références, comment ne pas évoquer Tricky sur Epiphany ou Be A Boy ? Le featuring vocal de Lauriane de Bryan’s Magic Tears n’y est pas étranger. Attention, on parle ici d’univers : n’allez pas croire que Bracco se pose désormais en hérault d’un post-trip-hop ! C’est sans doute que, bien que toujours présentes, les influences sont moins évidentes que sur Grave. Là où il pouvait évoquer sans trop hésiter Throbbing Gristle, DAF ou Suicide (voir le morceau Infected), l’auditeur aura ici plus de mal et c’est tant mieux : cela signifie une identité musicale désormais propre et affirmée.
A ECOUTER EN PRIORITE
Cobra Music IV, Be a Boy, Dromonia
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