Boygenius – ‘The Record’

Boygenius – ‘The Record’

Album / Interscope / 31.03.2023
Indie pop rock

Elles ne sont pas Crosby, Stills and Nash, pourtant déjà parodiés par leurs soins sur la pochette de leur premier EP sorti en 2019. L’association de Lucy Dacus, Phoebe Bridgers et Julien Baker au sein de Boygenius est toutefois le genre d’évènement capable de marquer la pop rock américaine pour les quelques années à venir. Après ce premier EP donc, sort aujourd’hui The Record, premier format long du supergroupe féminin, à la fois quintessence et synthèse des esthétiques personnelles de ses trois membres. Tout est dans le titre du disque, et dans son magnifique artwork, aussi.

Les esthétiques dont nous parlons ici sont bien entendu proches les unes des autres, entre la pop écorchée vive de Bridgers, l’élégance feutrée mais ultra-sensible de Dacus, et les élans romantiques et torturés de Baker. Des styles aux rendus un peu sages parfois – ces voix propres et diaphanes qui tournent sur elles-mêmes – mais qui peuvent aussi laisser de la place à de soudaines fulgurances… Bridgers, Dacus et Baker ont donc chacune l’occasion de briller sur ce disque en commun, et on laissera les fans hardcore repérer par eux-mêmes qui mène la barque sur tel ou tel titre pour se concentrer sur l’effet d’ensemble, illustré à merveille par la mélopée introductive Without You Without Them. The record démarre ainsi par un chant choral interprété a cappella, et la pertinence de ce choix symbolise bien l’émulation qui caractérise ce disque.

Alors oui, on aurait souhaité plus de pistes enlevées dans cet album, même si $20, Satanist et Anti-Curse dynamisent le tracklisting de manière convaincante : les cris entendus en conclusion de deux de ces morceaux placent bien le disque dans une sphère rock, aucun doute là-dessus. Mais l’essentiel du propos se trouve ailleurs. Les sad girls de Boygenius privilégient ainsi la douceur et l’introspection dans leur écriture, sans que l’on sache toujours si le sujet de leurs chansons porte sur les relations amoureuses ou la forte amitié qui unit les membres du groupe depuis plusieurs années. Certes, les ballades qui résultent de ce choix ne sont pas encore du niveau de celles écrites par une Adrienne Lenker, par exemple, qu’une partie des fans de Boygenius verraient bien en futur Neil Young au sein du projet (bon courage pour lui faire quitter Big Thief, ceci dit). Il n’en reste pas moins que de nombreux passages mémorables transcendent ces mêmes ballades de manière régulière. En attestent l’incroyable apothéose vocale concluant Not Strong Enough (‘Always an angel, never a god!’), le refrain imparable de True Blue – classique instantané à la Sharon Van Etten, subtilement rehaussé par de discrètes touches électroniques – ou encore les ostinatos de cordes captant l’attention dès les premières secondes de Emily I’m Sorry.

En dépit des petites réserves émises plus haut, The Record possède donc de gros atouts pour devenir un des disques pop rock de 2023. Quand on se souvient que les papis ronchons Crosby, Stills, Nash et Young ont passé des décennies à se chamailler et à s’envoyer des piques assassines par médias interposés (rest in peace, David, by the way), on se dit que le lien indéfectible entre Dacus, Bridgers et Baker a au moins le mérite de donner un air d’authenticité et de sincérité aux hymnes mélancoliques et autres odes à l’amitié qu’elles écrivent à trois mains. L’harmonie vocale sera toujours plus belle, et surtout plus juste, si ses interprètes la vivent pleinement entre elles.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
True Blue, $20, Not Strong Enough, Satanist, Emily I’m Sorry


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