
31 Jan 25 Bonnie ‘Prince’ Billy – ‘The Purple Bird’
Album / Domino / 31.01.2025
Indie folk
Nashville, Tennessee. Au loin, la lueur chaude des néons rouges et bleus d’un honky-tonk nous fait de l’œil. Le bar, un mélange de bois usé et de métal brillant, reflète la lumière tamisée, tandis qu’une petite scène surélevée domine la pièce. Un groupe de musiciens s’y trouve, leurs instruments patinés par des années de jeu : une guitare acoustique au vernis écaillé, une mandoline étincelante, une contrebasse imposante, un violon agile, et une steel guitar qui semble murmurer des histoires d’amour perdues et de routes interminables. L’énergie de la pièce est à la fois détendue et électrisante. Chaque musicien semble jouer avec une complicité instinctive, échangeant des regards et des sourires, une connivence forgée dans des heures interminables de jam sessions. Quand le groupe joue une reprise d’un classique de Hank Williams, un homme au fond du bar lève son verre en criant : ‘C’est ça, Nashville !‘. Cette scène, simple fruit de notre imagination, illustre l’esprit de cette ville : un lieu où la musique est à la fois une célébration et un récit, où chaque note raconte une histoire, et où le passé et le présent se rencontrent dans un échange vibrant et authentique.
C’est cette perception traditionnelle que Will Oldham, connu aussi sous le nom de Bonnie ‘Prince’ Billy, vient revisiter avec The Purple Bird. Le songwriter est une figure singulière et prolifique de la musique indépendante américaine. Il s’est imposé comme un artiste aux multiples facettes, évoluant entre folk, country et indie rock, avec une touche d’avant-garde. Sa carrière s’étend sur plusieurs décennies, marquées par ses multiples collaborations (Matt Sweeney, Bill Callahan, Mark Kozelek, …) ainsi que par une démarche artistique constante : explorer la vulnérabilité humaine et les émotions à travers une approche à la fois brute et poétique. Une fois n’est pas coutume, pour ce nouvel album, Oldham s’est entouré de la fine fleur de la scène musicale de Nashville pour sa composition et son écriture. Il convient de souligner que ce projet découle d’une relation de plus de 20 ans avec le producteur David Ferguson (Ferg), crédité ici comme co-auteur de sept des douze morceaux et qui avait travaillé comme ingénieur du son sur l’album American III de Johnny Cash, où celui-ci avait repris I See A Darkness de Bonnie ‘Prince’ Billy.
Le premier single que nous avons eu la chance de découvrir, London May, éveille en nous des émotions complexes nous rappelant à la fois des moments heureux et des regrets passés. A la lecture des paroles, nous découvrons avec délectation, la double lecture du mot LONDON avec cet acrostiche caché : Love Overcome Nothing Despite One’s Need (L’amour ne surmonte rien malgré les besoins de chacun, ndlr). L’amour est une source d’inspiration universelle. Will Oldham clame un désir romantique sur One Of These Days (I’m Gonna Spend The Whole Night With You). Une nuit entière à vivre jusqu’à ce que la mort nous sépare. Parfois l’amour peut se montrer douloureux à l’instar du sublime Boise, Idaho ou du tumultueux et chaotique Tonight With The Dogs I’m Sleeping. L’artiste y dépeint avec un savant mélange d’humour, de drame et de réflexion, une relation amoureuse où les tensions et les disputes dominent. Avec Guns Are For Coward, le natif du Kentucky condamne sans équivoque, au rythme du soufflet de l’accordéon, le choix de ceux qui sont incapables de faire face à leurs problèmes autrement que par la violence. Dans un autre registre, Bonnie ‘Prince’ Billy nous invite aussi à nous reconnecter à l’essentiel, avec Water’s Fine, une ode à la nature où nous retrouvons cet esprit country, festif et rural à la fois. L’onde limpide continue de couler avec New Water ou Downstream, aux accents de ballade irlandaise, portant un texte imprégné d’une urgence à la fois morale et écologique. L’artiste touche aussi du doigt les sujets de la spiritualité, de la vie et de la mort ou de la force des relations humaines comme avec Sometimes It Is Hard to Breath ou Is My Living In Vain?, pouvant presque s’apparenter à une prière.
Avec The Purple Bird, Will Oldham perpétue la tradition de Nashville. Il raconte des histoires de vie simples et authentiques, axées sur des émotions universelles telles que l’amour, la perte, la souffrance, la rédemption, ainsi que la vie simple et la recherche de sens. Cependant, il traite de ces sujets de manière plus introspective et poétique, avec une approche plus sombre ou mélancolique que celle qu’on trouve dans la country mainstream. Bonnie ‘Prince’ Billy rend hommage au genre par son approche de la simplicité musicale, la profondeur des paroles et en offrant une vision originale et personnelle. Ce nouvel opus confirme la place unique d’Oldham dans la musique indépendante américaine.
Photo : David Kasnic
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London May, Our Home, Is My Living In Vain?
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