Bonnie Prince Billy – ‘I Made a Place’

Bonnie Prince Billy – ‘I Made a Place’

Album / Drag City / 15.11.2019
Folk country

Il aura fallu du temps à Bonnie Prince Billy pour délivrer ce nouvel album. En effet, si Will Oldham s’est occupé à sortir de nombreux disques de reprises, de réécritures ou ré-interprétations de ses anciens titres, son dernier vrai LP remonte à 2011 avec Wolfroy Goes To Town. Prendre le temps semble être le maître-mot de I Made A Place.

Le temps de la distance d’abord, géographique, l’album ayant en partie été écrit à Hawaï, archipel propice aux insularités musicales où le couple Oldham se trouvait en résidence d’artistes. A ce titre, I Made A Place est un état des lieux des singularités de son auteur. Oldham semble y revendiquer l’oscillation des genres, l’alternance des humeurs, à la manière d’un manifeste qui synthétise pour mettre les choses au clair. Le titre éponyme, poignant et lyrique, presque testamentaire, est profondément habité. Il est immédiatement suivi de Squid Eye, beaucoup plus léger, dans la vidéo duquel le songwriter semble se jouer de sa propre personne, avec une pointe d’auto-ironie assez jubilatoire. Une forme d’archipel biographique et sonique dont la nouvelle sortie du label de Chicago serait la cartographie.

Le temps de la réflexion, du retrait ensuite, à l’instar de son partenaire de label Bill Callahan avec lequel il a en commun d’être récemment devenu père. La thématique du monde légué traverse l’album de part en part, jusqu’à Building a Fire, son morceau de clôture aux arrangements magnifiques signés Jacob Duncan, et exécutés par son backing band de Louiseville. Un titre sur lequel la réflexion est tournée tout autant vers l’avenir (qu’Oldham compare ici à une pieuvre) que vers le passé (un ours). Même constat sur l’explicite Look Backward On Your Future And Look Forward To Your Past.

Le temps de la bonification, enfin. L’album, qui a eu le temps d’arriver à maturation, se propose comme rempart à l’âge du zapping et du scrolling de masse. Disponible en multiples formats physiques, de la cassette au vinyle avec 45 tours inclus, absent des sites de streaming (le label Drag City s’y étant pourtant résolu l’an dernier), I Made A Place s’écoute en sirotant, comme un quinze ans d’âge. La fertilité des arrangements incite aux écoutes multiples, en particulier sur la deuxième face du disque, la plus inquiète, questionnante, chargée d’un pessimisme joyeux et à la vision plus éclaircie, ou l’on retrouve le Bonnie Prince Billy des plus belles époques, deux décennies après I See A Darkness. Comme pour équilibrer une époque plus obscure.

VIDEO

A ECOUTER EN PRIORITE
I Have Made A Place, Squid Eye, Thick Air, Building A fire


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