06 Mai 24 Bodega – ‘Our Band Could Be Yr Life’
Album / Chrysalis / 12.04.2024
Indie rock
Il est plutôt d’usage chez tout artiste en quête de perpétuelle évolution, de tourner définitivement le dos au passé pour mieux tendre la main à l’avenir. Au mieux, il accepte l’oeuvre qui l’a en partie construit, au pire il la renie. Après quatre albums qui ont successivement fait de lui un des groupes les plus intéressants de la scène indie rock actuelle, Bodega a choisi de prendre tout le monde à contrepied et de revenir à ses débuts, comme pour recommencer une histoire qui l’a pourtant gâté jusque-là.
Contre toute attente donc, les new-yorkais sont remontés jusqu’à huit ans en arrière pour retravailler un ensemble de morceaux composés alors qu’ils se faisaient connaitre sous le nom de Bodega Bay. À l’époque, le groupe avait enregistré une trentaine de titres avec les moyens du bord, c’est à dire un seul micro, pour signer un double album que finalement personne n’a jamais eu le loisir d’écouter. Ruminant depuis toujours une certaine frustration devant ce travail resté inexploité, le collectif a voulu satisfaire son éternel désir de concrétiser ce qu’il a toujours considéré comme bien plus qu’un album. ‘C’était une déclaration. La philosophie et la musique que nous aimons ont commencé à former un seul ensemble‘ précise le guitariste Ben Hozie.
Sur fond, entre autres, de critique acerbe du consumérisme qui ne l’a donc jamais quittée (voir ici le trityque Cultural Consumer), Bodega arrive à ses fins avec Our Brand Could Be Yr Life, nouvel opus d’un passé nourri au présent. Remis au goût du jour grâce à l’expérience glanée depuis, la plupart de ces quinze titres éclairent non seulement la route empruntée par le groupe jusqu’aux réjouissances dont il a été dernièrement l’auteur, mais laissent également deviner ses progrès, en termes d’arrangements notamment. Car, avec un solo de guitare ajouté par ici (Tarkovski), des morceaux considérablement prolongés par là (Set The Controls For The Heart Of The Drum dont la rythmique n’est pas sans rappeler le Atlas de Battles), les new-yorkais réconcilient leurs débuts avec ce qu’ils sont devenus aujourd’hui et qu’on mesure grâce à une poignée de nouveaux morceaux renforçant l’intérêt comme la cohérence de ce premier nouvel album.
Parmi eux, on trouve de nouvelles démonstrations du talent à la fois mélodique et dansant du groupe, parmi lesquelles l’entame Dedicated to the Dedicated, le remuant G.N.D. Deity ou le simpliste Bodega Bait dont le côté tubesque répond à Major Amberson ou Webster Hall, ballades toutes aussi accrocheuses et pourvoyeuses d’une diversité indispensable à ce tracklisting à rallonge. Véritable bouquet d’influences, ce Our Brand Could Be Yr Life convoque en effet les amours indie rock, shoegaze, dance punk, rock slacker et rock psychédélique d’un collectif qui semble avoir toujours préféré jongler avec les étiquettes plutôt qu’on lui en colle une sur le dos, à lui qui – les frustrations d’antan maintenant gommées – n’aura plus pour seul réflexe désormais que de ne regarder que devant. Ça tombe bien : l’impatience est plus grande que jamais d’entendre le Bodega du futur.
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