Black Star – ‘No Fear of Time’

Black Star – ‘No Fear of Time’

Album / 03.05.2022
Hip hop

1998. Fraichement orphelin de Tupac et The Notorious B.I.G., le hip-hop mainstream s’encroute, alors les initiatives plus underground se multiplient pour offrir au genre un nouveau souffle. C’est à cette période qu’Anticon et Def(initive) Jux rivalisent en se portant garants d’une nouvelle génération avide d’aller explorer au delà des limites permises par les puristes, bien aidés par le balisage opéré depuis déjà trois ans par le label Rawkus dont l’identité fut définie par quelques uns de ses plus éminents artistes, Mos Def et Talib Kweli au premier rang. De cette union magique baptisée Black Star naitra un premier album mythique, un phare dans la nuit pour toutes les générations hip hop à lui emboiter le pas.

2022. Longtemps prévue, une suite est enfin annoncée, l’arlésienne prend fin, et le duo se voit rattrapé par les démons du milieu. Comme leurs ainés dont ils s’appliquaient à proposer une alternative à la fin du siècle dernier, Mos Def et Talib Kweli ruinent leur légende en moins de temps qu’il n’en faut pour confier l’exclusivité de leur album à la plateforme Luminary de leur bon pote Dave Chappelle. En 24 ans, tout – ou presque – a changé, et la musique n’a plus tout à fait la même valeur. Le fan également, désormais bien plus considéré pour le poids de son portefeuille que son dévouement et sa passion pour l’artiste.

Qu’il se rassure néanmoins : Black Star a fait en sorte que sa rareté ne soit regretté par personne tant ce deuxième album, comme usé par toutes ces années d’attente, reste à des années lumière de son prédécesseur. Même les productions classiques et soulful vite faites de Madlib – argument supplémentaire dont le poids n’inverse même jamais la balance (O.G., Yonders) – comme l’apparition de Black Thought (Freequency) n’y peuvent rien. Face à la nonchalance et à la trop grande assurance du duo, No Fear of Time entre dans une oreille pour ressortir par l’autre sans jamais laisser un souvenir impérissable. Et pour cause, s’il est compréhensible que Bey et Kweli aient volontairement évité l’écueil de signer de nouveaux Définition, Respiration ou Brown Skin Lady, difficile de se satisfaire ici d’une grande majorité de titres paresseux et monotones, aux allures improvisées, dont la seule richesse est à finalement aller chercher dans l’écriture et son exécution, les flows des deux protagonistes n’étant plus à prouver quand ils ne cèdent pas à une pathétique léthargie (Sweetheart Sweetheart Sweetood).

Ainsi, sous le prisme de la spiritualité particulièrement chère à Yasiin Bey et du militantisme bien connu de Talib Kweli, les deux restent ainsi fidèles à leurs combats, aussi fondés aujourd’hui qu’il y a un quart de siècle : racisme (So Be It), appropriation de la culture noire (The Main Thing Is to Keep the Main Thing the Main Thing), égalité et diversité culturelle sont autant de thèmes puissants que Black Star sait toujours aborder du meilleur angle. Un comble donc que l’énergie ne viennent pas leur servir de porte-voix, et que le copinage marketing le prive d’être entendu par le plus grand nombre. L’étoile noire n’était finalement pas éternelle.

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