Björk – ‘Fossora’

Björk – ‘Fossora’

Album / One Little Independent / 30.09.2022
Musique totale

La curiosité de Björk est proprement illimitée. D’album en album, son répertoire sonore et musical s’étoffe, sa maitrise également, et si elle aime à présenter Fossora comme un album de retour à la terre, la première écoute nous subjugue autant qu’elle nous rappelle à quel point l’islandaise plane au-dessus de ses contemporains.

Medullá avait enrichi son spectre de recherche en direction des voix, Volta regardait vers les cuivres, et son chef d’oeuvre tragique Vulnicura s’étoffait en cordes pour relater – dans une déchirure dramatique – la fin de sa relation avec Matthew Barney. En 2018, Utopia, habillé de flûtes, était apparu comme son album d’éther.

Björk a failli faire de Fossora son opus de clarinettes, avant de décider d’envoyer balader ces concepts catégorisants :  ‘Fuck That !’, comme elle le dit elle même. Cette invective survolera l’ensemble de son dixième album, comme un coup de pied balancé simultanément à sa longue douleur post-divorce, à la tristesse du deuil, au patriarcat, et à une vision apocalyptique du présent. Un coup de pied enthousiaste, terrestre, et qui viendrait charger nos semelles terreuses d’un foisonnement de textures vivantes. Le champignon, donc, est un fil conducteur symbolique de l’album : plus optimiste que les racines, à la surface du sol, dans un mouvement extérieur; et dont le jaillissement évoque une naissance, dusse-t-elle être au milieu d’une biodiversité compromise. L’islandaise partage avec John Cage cette fascination pour le règne des Fungi, tout autant qu’une approche et une place toute singulière dans l’histoire de la musique.

Plus qu’un album concept, Fossora peut s’entendre comme un album somme, les multiples facettes musicales de Björk ayant été assimilées pour être ici distillées, de frémissements en scintillements. Le retour des basses, tristement absentes sur Utopia, est une source de joie tant elle les manie avec perfection. Les sub-frequencies retentissent comme autant de soubresauts à la fois chaleureux, confortables et rageurs, l’utilisation de clarinettes basses venant étoffer leur spectre et, en les mélangeant à des basses analogiques de synthés, leur donner une teinte nouvelle et jubilatoire, dès le titre introductif. Les voix, qu’elles soient samplées, comme sur le sommet instrumental Mycelia, ou en chorale funèbre sur Sorrowful Soil en hommage à sa mère récemment disparue, sont traitées avec une maitrise magique laissant l’auditeur béat d’admiration. Les percussions et l’électronique ramènent également Björk a un versant moins expérimental et plus pop de son écriture : celle où elle excelle, car si la Dame est une compositrice qui marquera l’histoire, elle n’en reste pas moins une immense pop-star (en cas de doute, il suffit de regarder ses derniers clips).

En 2015, sur Black Lake, le joyau de Vulnicura, Björk règlait ses comptes avec Barney et chantait ‘I am tired of your apocalyptic obsessions‘. Sept ans plus tard, traversant une période comme écrasée par les projections cataclysmiques, l’islandaise, qui a écrit tout Fossora dans son pays natal vient ici creuser de toute sa force féminine (Fossora est le feminin latin – inventé – pour le verbe creuser) pour nous proposer un état des lieux miraculeux de tressaillements vitaux. Avec des textes à hauteur du curseur musical : ‘I have placed a glass egg / Above us floating / An oval ovule / In a dark blood red void’. On contemple silencieusement avec plaisir .

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE

Atopos, Ovule, Mycelia, Sorrowfull Soil, Trollä-Gabba


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